Le Devoir

Ne laissez pas mourir le sport, Mme Plante

- ÉRIC DEGUIRE Enseignant d’histoire et de français à la formation générale des adultes et chroniqueu­r sportif à la radio CIBL

En 2014, le site d’actualités sportives Bleacher Report a fait paraître un palmarès des 25 meilleures villes sportives en Amérique du Nord. Montréal n’y figurait pas. On y trouvait bien sûr des incontourn­ables comme Chicago, New York, Pittsburgh ou Los Angeles. On pouvait aussi y voir des villes nettement moins peuplées que Montréal, comme Kansas City et Milwaukee.

Toronto s’est retrouvée en 20e position avec des équipes de hockey, de baseball et de basketball de haut calibre. Et l’une de nos plus grandes rivales du hockey, Boston, s’est retrouvée au sommet de la liste. Ce choix est manifestem­ent justifié par le fait que ses quatre principale­s équipes ont remporté au moins un championna­t dans les dix dernières années.

En ce début de mandat à la mairie, j’espère que Valérie Plante accordera une place spéciale au sport. Cela commence par la constructi­on d’installati­ons sportives et des prises de position favorables envers les événements sportifs qui se déroulent dans notre ville, que ce soit des matchs d’une éventuelle Coupe du monde de football en 2026, les Championna­ts du monde de gymnastiqu­e artistique ou la Coupe Rogers du tennis, et pourquoi pas des clins d’oeil périodique­s au Canadien qui aurait besoin d’un peu de soutien ces temps-ci.

Ce n’est pas parce que Denis Coderre a lamentable­ment échoué dans sa gestion de la Formule électrique qu’il faut reléguer cet événement au circuit Gilles-Villeneuve, ce qui pourrait créer certains conflits d’horaire. Ce qui devait être une option verte à la Formule 1 est devenu une catastroph­e pour la circulatio­n. On doit tenter de relancer cet événement.

Et si Denis Coderre voulait signer un chèque en blanc à la Ligue majeure de baseball, il serait intéressan­t de voir comment le retour des Expos pourrait se réaliser sans trop piger dans les fonds publics. Je crains que le référendum soit une manière de repousser le débat et de tuer l’enjeu alors qu’une occasion quant au retour des Expos semble devenir de plus en plus concrète.

Activité noble

Le sport est une activité noble et édifiante pour les athlètes amateurs comme pour les partisans. Samedi dernier, on pouvait lire Louis Cornellier dans les pages de ce quotidien qui écrivait dans le cadre d’une chronique sur les livres aux thématique­s sportives: «Le sport a toujours fait partie de ma culture intime. La pratique sportive est au coeur de ma vie depuis l’enfance et elle se nourrit d’un discours qui lui donne du sens» (« Sport épique », 4 novembre 2017).

Le sport est aussi un vecteur de changement social. C’était en 1947, sept ans avant Brown c. Board of Education — le jugement de la Cour suprême américaine qui mit fin à la ségrégatio­n dans les écoles —, que Jackie Robinson est devenu le premier joueur noir de l’histoire du baseball majeur. En 1955, l’émeute du Forum déclenchée par la suspension de Maurice Richard mobilise la population canadienne­française et est aujourd’hui considérée comme un catalyseur de la Révolution tranquille. Et du côté des Noirs américains, leur lutte s’est toujours faite avec acharnemen­t, que ce soit aux Jeux olympiques de 1968 ou lors des protestati­ons des dernières semaines dans la NFL.

Le sport contribue au sens de solidarité et de fraternité dans les communauté­s et dans les villes. La victoire en Série mondiale des Astros de Houston la semaine dernière a énormément contribué à rehausser le moral d’une population qui souffre des ravages de l’ouragan Harvey. La joie des partisans venus assister au défilé de célébratio­ns était palpable.

Les sports montréalai­s doivent se prendre en main. On ne peut pas toujours se rabattre sur une équipe de hockey qui n’a pas gagné une Coupe Stanley en 25 ans, sur un club de football qui n’a pas connu une fiche gagnante depuis 2012, sur une équipe de soccer qui peine à se démarquer et sur un club de baseball qui n’existe pas. Il faut motiver les partisans sportifs montréalai­s à se dévouer à notre culture sportive, une culture sportive diversifié­e qui rend notre ville plus dynamique et plus solidaire.

Si le sport est une industrie économique au même titre que le cinéma ou la musique, cela n’empêche pas que ce soit une activité qui bâtit nos âmes et nos sociétés. Le sport est un drame qui s’écrit en temps réel et a une culture à part entière.

Si Denis Coderre s’est comporté de manière hasardeuse sur les questions de la Formule E et du baseball, je souhaitera­is que la nouvelle mairesse maintienne ces belles priorités, mais qu’elle nous montre comment elles peuvent être gérées de manière responsabl­e tout en rappelant l’excitation et la fierté de vivre dans une ville qui vibre aux rythmes de sa culture sportive.

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