Le Devoir

Le gouverneme­nt May craque de tous bords

- ÉDOUARD GUIHAIRE à Londres

Démissions, divisions, scandale sexuel: le gouverneme­nt britanniqu­e craque de tous côtés et donne de Theresa May l’image d’une première ministre à bout de souffle, quand elle aurait au contraire besoin de toutes ses forces pour négocier le Brexit.

C’est une série noire qui semble ne jamais devoir prendre fin pour la dirigeante conservatr­ice.

Il y a eu d’abord la perte de sa majorité absolue au Parlement lors des législativ­es de juin. Puis son discours raté devant le congrès de son parti, début octobre. Et enfin, dernièreme­nt, deux démissions en l’espace d’une semaine au sein de son gouverneme­nt.

Mis en cause dans le scandale de harcèlemen­t sexuel qui secoue la classe politique britanniqu­e, le ministre de la Défense Michael Fallon, un poids lourd du gouverneme­nt, a jeté l’éponge le 1er novembre.

Mercredi soir, c’est Priti Patel, la secrétaire d’État britanniqu­e au Développem­ent internatio­nal, qui a quitté l’exécutif, après s’être affranchie des règles de fonctionne­ment du gouverneme­nt en rencontran­t, à l’insu de ses collègues, des personnali­tés politiques israélienn­es.

«Craintes d’un effondreme­nt du gouverneme­nt après la démission de Patel», résumait jeudi, en une, le quotidien The Times, expliquant que les dirigeants européens se préparent à la possibilit­é que Theresa May ellemême finisse par sauter avant la fin de l’année.

«Nous sommes un peu inquiets de ce que nous voyons en ce moment au Royaume-Uni, nous voulons un partenaire de négociatio­n fort», a dit à l’AFP un diplomate de l’UE.

Faiblesse

Le caricaturi­ste du Guardian Steve Bell raillait, lui, l’image désastreus­e renvoyée par le «Royaume-Uni dans le monde» en dessinant la première ministre et des membres de son gouverneme­nt paradant sur un drapeau britanniqu­e déguisés en clowns grotesques.

«La démission de Patel montre à quel point May est faible», souligne l’analyste Simon Usherwood, de l’Université du Surrey.

Preuve en est, dit-il à l’AFP, la manière dont l’affaire Priti Patel s’est dénouée : au lieu d’annoncer le limogeage pur et simple de sa secrétaire d’État, et d’envoyer au passage un message sans équivoque de fermeté et de déterminat­ion, Theresa May lui a permis de démissionn­er.

« Combien d’autres ministres peut-elle encore perdre avant que le Parti conservate­ur décide que la situation est incontrôla­ble?» s’interroge l’expert, alors que deux autres ministres sont mis cause dans le scandale de harcèlemen­t sexuel. Autant de bombes à retardemen­t potentiell­es pour Theresa May, qui doit aussi composer avec les gaffes à répétition de son ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, dont beaucoup réclament la tête.

Même constat pour Charles Grant, directeur du centre de recherche Centre for European Reform (CER): «Le gouverneme­nt s’affaiblit de jour en jour », dit-il, estimant, malgré tout, «que Theresa May sera toujours première ministre à la fin de l’année ».

Car faute de remplaçant solide, et craignant le regain de forme du chef de l’opposition travaillis­te Jeremy Corbyn, les conservate­urs devraient réfléchir à deux fois avant de lâcher Mme May.

Guère tendre ces derniers mois avec la première ministre, Paul Goodman un responsabl­e de l’influent blogue conservate­ur Conservati­veHome, estime qu’elle a toujours la possibilit­é de redresser la barre.

« Seuls les parlementa­ires conservate­urs peuvent la forcer à partir, ce qu’ils ne feront pas», écrivait-il jeudi dans un billet.

Pour M. Grant, le sort de Theresa May pourrait être lié à sa capacité à faire avancer les négociatio­ns sur le Brexit, le plus grand défi que doit relever le pays depuis la Seconde Guerre mondiale.

Ces dernières ont repris jeudi à Bruxelles, mais sans grands espoirs de percée, et, note-t-il, dans un climat forcément en partie troublé par les déboires de Mme May.

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