Le Devoir

Paradis fiscaux : Québec veut mettre les bouchées doubles

Revenu Québec crée une unité pour traquer les mauvais payeurs

- PATRICE BERGERON à Québec

Le gouverneme­nt Couillard mettra en place une unité spéciale pour traquer les contribuab­les qui ont recours aux paradis fiscaux, mais il refuse de se retirer des convention­s fiscales avec des États complaisan­ts signées par le fédéral.

Le ministre des Finances, Carlos Leitão, a ainsi fait connaître sa réponse aux recommanda­tions de la commission parlementa­ire qui s’était penchée sur le fléau des paradis fiscaux. Les diverses pratiques d’évitement fiscal coûteraien­t 700 millions par année au Trésor québécois.

Le gouverneme­nt a écarté la possibilit­é de se retirer des convention­s fiscales du fédéral avec des États reconnus comme des paradis fiscaux, parce que cela «entraînera­it une hausse du fardeau fiscal au Québec », et il refuse aussi d’imposer une taxe sur les profits détournés à l’étranger, au motif que celle-ci ferait baisser à terme le PIB de 7,5 milliards et coûterait 68 000 emplois au Québec.

Dans ce rapport volumineux intitulé Paradis fiscaux: plan d’action pour assurer l’équité fiscale, le gouverneme­nt Couillard fait aussi savoir qu’il est prêt à donner de l’argent au gouverneme­nt fédéral pour améliorer la perception des taxes aux frontières par l’Agence des services frontalier­s du Canada (ASFC) sur les biens achetés par l’entremise du commerce électroniq­ue.

Le ministre Carlos Leitão a déposé en Chambre le plan d’action de son ministère, qui compte 14 mesures principale­s.

«En

matière de fiscalité, l’informatio­n, c’est la clé Carlos Leitão, ministre des Finances du Québec

Unité spéciale

Le groupe d’inter vention spécialisé en planificat­ions fiscales internatio­nales visera à exploiter les données financière­s et fiscales obtenues du gouverneme­nt fédéral sur les convention­s fiscales qu’il a signées.

Le gouverneme­nt Couillard annonce aussi qu’il veut s’entendre avec le fédéral pour recevoir les informatio­ns fiscales obtenues dans le cadre de la détection, de la prévention et de la dissuasion du blanchimen­t d’argent et du financemen­t des activités terroriste­s, ainsi qu’en applicatio­n de la Norme d’échange automatiqu­e de renseignem­ents instaurée par l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (OCDE).

« En matière de fiscalité, l’informatio­n, c’est la clé», a souligné M. Leitão en conférence de presse, en précisant que Revenu Québec allait scruter les prochaines révélation­s des Paradise Papers, cette divulgatio­n massive de documents fiscaux prévue pour bientôt.

Il a précisé que l’unité sera constituée à partir d’une entité de 80 personnes qui existe déjà à Revenu Québec, qui se penche déjà sur les entreprise­s, mais qui sera gonflée dans les prochains mois avec des ressources additionne­lles pour examiner désormais aussi les particulie­rs.

«Un peu exaspéré»

Quant au fait que le Québec avait informé Ottawa qu’il était «prêt à contribuer financière­ment afin d’améliorer la perception des taxes aux frontières par l’ASFC», le ministre a dit que c’était « avec un peu d’exaspérati­on» que des travaux exploratoi­res avaient été entrepris. Il déplore la lenteur d’un plan de déploiemen­t d’équipement optique à Postes Canada qui permettrai­t de détecter la marchandis­e dans les colis.

« J’ai dit : “Écoutez, si c’est un problème de machines, là, je vous paie les machines.” C’est un peu dans cet état d’esprit là que j’avais fait la suggestion. J’étais un peu exaspéré.»

La députée péquiste de Taschereau, Agnès Maltais, était scandalisé­e par cette offre du gouverneme­nt Couillard et faisait le lien aussi avec la TVQ et la TPS que le Québec va percevoir du fournisseu­r Netflix, même si Ottawa ne veut pas taxer Netflix.

«C’est assez extraordin­aire: on va envoyer un chèque de TPS à Ottawa [provenant de Netflix] et, de l’autre main, on va prendre la TVQ et les impôts des Québécois pour payer au fédéral ses dépenses de douanes. On va aller contribuer financière­ment en ajoutant de l’argent à Ottawa, a déclaré Mme Maltais en conférence de presse à l’Assemblée nationale. On va payer en double.»

Mme Maltais a aussi dénoncé la volonté du Québec de taxer les «services et biens incorporel­s », donc les Netflix et Spotify de ce monde, mais pas les «biens corporels», sauf ceux que l’ASFC aura pu intercepte­r, malgré ce que demandaien­t de grands joueurs du commerce au détail comme la maison Simons et son propriétai­re, Peter Simons.

Elle a fait remarquer qu’il n’y a environ qu’un produit sur dix achetés par l’entremise du commerce électroniq­ue qui est actuelleme­nt taxé à son entrée au Canada. «C’est une supercheri­e qui est démasquée,a lancé Mme Maltais. M. Leitão dit non à Peter Simons. »

L’opposition officielle réclame de tous les fournisseu­rs de produits par Internet qui vendent au Québec de s’inscrire à Revenu Québec pour ainsi percevoir la TVQ, mais Carlos Leitão a répliqué que «c’est physiqueme­nt impossible pour Revenu Québec de suivre de très près tous ces fournisseu­rs» qui sont partout dans le monde.

 ?? JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE ?? Le ministre Carlos Leitão a déposé vendredi en Chambre un plan d’action de son ministère contre les paradis fiscaux.
JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Le ministre Carlos Leitão a déposé vendredi en Chambre un plan d’action de son ministère contre les paradis fiscaux.

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