La région de Québec fait le choix du statu quo
Le contrepoids au « tout-à-l’auto » s’organise en vue du prochain rendez-vous électoral
Les élus de la capitale ont résisté au vent de changement qui a balayé le Québec dimanche dernier. Aux commandes de la Ville de Québec depuis près de 10 ans, Régis Labeaume a perdu quelques plumes, mais il est demeuré debout face à la bourrasque. À un an des élections générales québécoises, les partis politiques se sont affairés à décoder ce «puissant statu quo».
À l’Assemblée nationale, plusieurs élus y ont tout de suite vu un rejet massif du «tout-àl’auto», qui a été incarné par le principal adversaire du maire sortant, Jean-François Gosselin. Le chef de Québec 21 (Qc 21) avait martelé pendant toute la course à la mairie la nécessité de construire un troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis.
M. Gosselin a obtenu dimanche dernier 27,6% des voix contre 55,3% pour Régis Labeaume (Équipe Labeaume) et 14,6% pour Anne Guérette (Démocratie Québec). Un bon score pour une première course, estiment les analystes. Pourtant, la CAQ ne tient pas à être associée à M. Gosselin, même si l’équipe de l’ex-député adéquiste (2007-2008) a fait des percées dans plusieurs secteurs qu’elle convoite aussi. «Il n’a pas été pris au sérieux. Il n’a jamais eu de chances», dit sans détour un stratège caquiste.
Les radios ignorées?
«Ici, les gens veulent se déplacer plus rapidement, en auto ou en transport en commun, c’est tout», lance d’emblée Martin, croisé par Le Devoir à la brasserie artisanale Griendel jeudi soir. Pour Maxime, la victoire de M. Labeaume constitue avant tout «la démonstration que les électeurs sont moins sensibles que les Montréalais le pensent à l’influence des animateurs de radio de Québec ». Jean-François Gosselin s’est approprié le discours des animateurs forts en gueule — et populaires — des stations de radio. Du coup, après avoir «tapé sur Labeaume pendant environ deux ans », les radios ont tout normalement «poussé à fond» la candidature de M. Gosselin, ajoute le copropriétaire du pub, Martin Parrot.
Contrairement aux Montréalais, les Québécois n’étaient tout simplement pas prêts à renvoyer leur maire sortant. «Ils ont choisi le statu quo», dit Sébastien Smith, après avoir levé les yeux de sa tablette.
La co-porte-parole de QS Manon Massé s’est réjouie publiquement de la défaite électorale de Qc 21 lors d’une assemblée populaire dans le quartier Saint-Roch, après avoir siroté une bière au Grindel. « Celui qui voulait juste des autoroutes et des chars, il s’est fait remettre à sa place!» s’estelle exclamée, s’attirant des applaudissements nourris de dizaines de sympathisants et de curieux de QS rassemblés dans le Cercle. « [Il y a] un contrepoids aussi à ces radios tellement dénigrantes, ces radios qu’on appelle poubelles », at-elle poursuivi.
Le statu quo a aussi prévalu dans les municipalités défusionnées. À L’Ancienne-Lorette (Chauveau), le septuagénaire Émile Loranger a été réélu sans difficulté. « Business as usual ! » a lancé le «snowbird » accroché au pouvoir depuis 35 ans.
Pourtant, les sondages laissent entrevoir une refonte de la carte politique lors du prochain scrutin, le 1er octobre 2018. La CAQ a, à tout le moins aujourd’hui, de fortes chances de remporter la victoire dans 15 des 18 circonscriptions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches, selon le blogue Qc125. Le PLQ conserverait Jean-Talon et Côte-duSud, tandis que le PQ s’agripperait à Taschereau. QS promet toutefois de livrer toute une bataille pour ravir la circonscription du centre de la capitale détenue par Agnès Maltais.
Un projet structurant
Au lendemain de sa quatrième victoire d’affilée, Régis Labeaume a demandé tout de go au gouvernement libéral de réserver les crédits nécessaires à la réalisation de sa principale promesse électorale — un projet de «réseau de transport collectif structurant» — avant la fin de la 41e législature. L’ex-homme d’affaires n’a toutefois précisé ni la nature exacte ni les coûts anticipés du projet.
La députée de Chauveau, Véronyque Tremblay — qui a été élevée au rang de ministre déléguée aux Transports moins de 10 jours après la cuisante défaite du PLQ à l’élection partielle de Louis-Hébert —, a demandé aux élus de la région de convenir «ensemble» des priorités en matière de transport. Au PLQ, on jure qu’on a compris le message livré par les électeurs de Québec au cours du dernier mois : «plus de temps en famille, plus de temps en famille», répète un conseiller politique.
À moins d’un an du scrutin, les formations politiques jurent que tout est sur la table, y compris le «réseau de transport collectif structurant» et le troisième lien.
En 2014, la CAQ avait refusé d’appuyer les projets de l’anneau de glace et du théâtre Diamant, qui étaient pourtant chers à M. Labeaume. «On a été le seul parti qui a eu le courage de le faire», dit un membre de la garde rapprochée du chef caquiste. «On ne s’est pas fait punir pour cela», ajoute-t-il. Le saut en pleine course de Pierre Karl Péladeau — le poing levé pour «faire du Québec un pays» — avait tout bousillé, relate-t-il. La panique s’était emparée d’un bon nombre de fédéralistes de Québec. Ils avaient accouru dans les bras du PLQ, à la grande déception du chef caquiste, François Legault. «Cette fois-ci, les gens voteront pour les idées », croit-il.