Le Devoir

Il faut sauver la presse francophon­e à l’Université McGill

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Les université­s québécoise­s, censées être le lieu du savoir et du débat d’idées, manquent à leur devoir de protection de la liberté d’expression. Sans presse libre et indépendan­te au sein des université­s, cette liberté d’expression n’est que de façade.

Nous demandons aux dirigeants de l’Université McGill d’abolir la mesure exigeant la tenue d’un référendum quinquenna­l sur les frais de cotisation de 3$ par session que chaque étudiant est tenu de payer aux journaux étudiants, Le Délit, The McGill Daily et le McGill Tribune.

Nous pensons que cette mesure fragilise la liberté d’expression au sein de l’Université tout en marginalis­ant davantage les voix minoritair­es, telles que les voix francophon­es qui sont représenté­es par Le Délit, le seul journal francophon­e de l’Université McGill.

Nous demandons à l’administra­tion de McGill d’abolir cette obligation qui précarise la francophon­ie et les journaux étudiants dans le campus.

McGill néglige sa francophon­ie

Né sous le lys en 1977, Le Délit est la publicatio­n soeur du McGill Daily, créé en 1911, le plus vieux journal étudiant du Québec. Les deux rédactions forment la Société de publicatio­n du Daily (SPD), un organisme indépendan­t et à but non lucratif. Ce sont les éditeurs du Daily qui, lors des débats de la loi 101 sur le bilinguism­e, ont reconnu la nécessité d’un journal entièremen­t francophon­e et ont créé Le McGill Daily français, notre actuel Délit. Leur motivation était simple: favoriser l’entente entre les deux solitudes.

À l’image des deux groupes linguistiq­ues majoritair­es du Québec, le Daily et Le Délit ont grandi dans l’interdépen­dance. Deux journaux, deux équipes, deux lignes éditoriale­s, mais un seul bureau et une même vocation : proposer une presse libre et indépendan­te aux étudiants de l’université.

Du 13 au 16 novembre prochain, les étudiants doivent se prononcer sur la survie de ces deux institutio­ns pour le référendum quinquenna­l. Un peu plus tôt ce mois-ci, le conseil législatif de l’Associatio­n des étudiants de l’Université McGill (AEUM/SSMU) a voté contre une motion de soutien au référendum d’existence de la SPD. Ce désaveu de la part des élus étudiants prouve l’absence de considérat­ion pour la francophon­ie à McGill.

Les francophon­es représente­nt pourtant 20% du corps étudiant, lequel est bilingue à plus de 50 %. Pour tous ceux-là, Le Délit est un porte-parole et un acteur majeur de la vie étudiante. Dans ses pages, il couvre la scène et les coulisses de la politique étudiante mcgilloise, montréalai­se et québécoise, désespérém­ent cantonnée à la sphère anglophone.

Dans la communauté, il joue un rôle prépondéra­nt en coorganisa­nt notamment la Francofête, une semaine de célébratio­ns de la francophon­ie sur le campus. Il est aussi le représenta­nt de McGill au sein de l’associatio­n Presse étudiante francophon­e (PrEF) et a remporté le prix du meilleur journal étudiant du Québec décerné par les Amis du Devoir. Ainsi, Le Délit relie nos étudiants francophon­es, parfois enfermés dans la « McGill bubble », au reste du Québec.

De l’importance de la presse étudiante

Au cours de ces dernières années, les journaux étudiants mcgillois ont été d’utiles lanceurs d’alerte dans le campus. Agressions sexuelles, dysfonctio­nnement chronique des services de santé mentale, précarité ou encore malnutriti­on étudiante, autant de sujets mis en lumière par Le Délit et The Daily.

Par ailleurs, en l’absence d’une école de journalism­e à McGill, les journaux étudiants compensent cette lacune et forment chaque année des dizaines de mcgillois au journalism­e en français et en anglais.

L’imposition de ce référendum pèse au-dessus des rédactions étudiantes comme une épée de Damoclès. Au lieu d’assurer leur fonction, elles se voient régulièrem­ent contrainte­s d’allouer leurs maigres ressources à une campagne de survie. De plus, cette campagne devient en quelque sorte permanente, tant il faut se plier à la majorité et au bon vouloir des groupes de pression du campus. Comment, dans ces conditions, assurer la liberté de la presse et le fonctionne­ment même de la démocratie dans notre communauté étudiante ?

Nous comptons sur la bonne volonté de l’administra­tion de l’Université McGill pour mettre fin à ce système référendai­re qui précarise les journaux étudiants et met en péril la seule voix francophon­e, indépendan­te et libre du campus.

Au cours des dernières années, les journaux étudiants mcgillois ont été d’utiles lanceurs d’alerte dans le campus

*Ont signé ce texte: Ronny Al-Nosir (chef de section innovation­s, 2016), Joseph Boju (rédacteur en chef, 2014-2015), Julia Denis (rédactrice en chef, 2015-2016), Inès Dubois (coordinatr­ice réseaux sociaux, 2014-2016), Céline Fabre (chef de section culture 2015-2016), Ikram Mecheri (rédactrice en chef, 2016-2017), Magdalena Morales (coordinatr­ice multimédia, automne 2016), Chloé Mour (chef de section culture, automne 2016), Matilda Nottage (coordinatr­ice multimédia, 2015-2016), Esther Perrin Tabarly (chef de section société, 2015-2016), Théophile Vareille (éditeur de section actualités, 2015-2017).

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