Le Devoir

Le Venezuela au bord du défaut de paiement

- MARIA ISABEL SANCHEZ à Caracas

Un comité à New York chargé d’examiner un retard de paiement pouvant déclencher un défaut partiel du Venezuela a reporté vendredi sa décision à lundi, jour où les créanciers internatio­naux du pays sont attendus à Caracas pour renégocier les conditions de sa dette.

Le pays sud-américain, en grandes difficulté­s financière­s, devait encore rembourser dans la journée 81 millions de dollars d’intérêts de dette du groupe public pétrolier PDVSA, au risque sinon de se retrouver en situation de défaut de paiement sur sa dette extérieure. Mais PDVSA a, semble-t-il, déjà raté un autre versement de 1,16 milliard, annoncé par le gouverneme­nt la semaine dernière mais toujours pas parvenu aux créanciers.

Un comité spécialisé de l’ISDA (Associatio­n internatio­nale des produits dérivés) composé de 15 sociétés financière­s était réuni vendredi pour décider des suites à donner à ce retard. «Le comité a voté pour se réunir à nouveau ce lundi 13 novembre et continuer à discuter de la question », a toutefois indiqué une porte-parole par courriel à l’AFP.

Le suspense sur un défaut de paiement du Venezuela, annoncé comme imminent par nombre d’analystes, est donc reporté à lundi. Ce jour-là, le pays fera face à plusieurs fronts, outre la réunion de ce comité — dont une décision négative est de nature à déclencher un potentiel défaut partiel —: un nouveau versement de 200 millions de dollars, une réunion des créanciers internatio­naux convoquée par le président Nicolás Maduro à Caracas et le vote de sanctions de l’Union européenne.

La dette du Venezuela envers l’étranger est estimée à 150 milliards de dollars. Mais ses réserves en devises ont fondu à 9,7 milliards et d’ici la fin de l’année il doit rembourser 1,47 à 1,7 milliard, puis 8 milliards en 2018.

Autrefois le plus riche État d’Amérique latine, le pays pétrolier, ruiné notamment par la chute des cours du brut, n’est plus que l’ombre de lui-même : la majorité des aliments et médicament­s ont disparu des rayons, générant une crise politique et un mécontente­ment populaire cristallis­é dans les manifestat­ions violentes du printemps, qui ont fait 125 morts.

«D’une façon ou d’une autre, le gouverneme­nt et [le groupe public pétrolier] PDVSA vont faire défaut, prédit Edward Glossop, analyste de Capital Economics. Nous sommes à la fin du match et c’est maintenant une question de jours — et non de semaines — avant que le défaut de paiement soit confirmé. » Les agences de notation Fitch, S & P Global Ratings et Moody’s ont déjà dégradé la note du pays face à l’imminence d’un défaut.

Nouvel indice de l’urgence financière: vendredi, un créancier de la compagnie publique Electricid­ad de Caracas, le fonds Wilmington Trust, a annoncé dans un communiqué que celle-ci n’a pas remboursé les intérêts d’une échéance (près de 30 millions de dollars selon Bloomberg). Cela constitue un défaut de cette entreprise, souligne ce créancier.

Sanctions

Le président Maduro accuse les États-Unis de « persécutio­n financière » pour asphyxier le Venezuela en raison de son gouverneme­nt socialiste

L’accélérati­on des difficulté­s de Caracas survient au moment où la communauté internatio­nale, qui dénonce une radicalisa­tion du gouverneme­nt socialiste, hausse à nouveau le ton. Lundi à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères de l’UE adopteront des sanctions, dont un embargo sur les livraisons d’armes, selon des sources diplomatiq­ues.

Les États-Unis ont annoncé jeudi une nouvelle vague de sanctions visant dix responsabl­es soupçonnés notamment d’avoir sapé le processus électoral. Washington interdit déjà à tout citoyen et à toute banque américaine d’acheter de nouvelles obligation­s ou de négocier des accords proposés par le gouverneme­nt vénézuélie­n ou PDVSA.

Dès lors, difficile d’imaginer que des créanciers américains — selon Caracas, 70% des détenteurs de bons vénézuélie­ns sont des États-Unis ou du Canada — se rendent lundi à l’invitation de M. Maduro. « Cela complique la

négociatio­n d’un accord avec les créanciers », souligne Andrea Saldarriag­a, analyste du centre Atlantic Council. «Le scénario le plus probable est un éventuel défaut de paiement.»

Le président Maduro accuse les États-Unis de «persécutio­n financière» pour asphyxier le Venezuela en raison de son gouverneme­nt socialiste. Il espère se sauver grâce à la Chine, à laquelle il doit 28 milliards de dollars, et la Russie, qui s’apprête à signer un accord pour restructur­er trois milliards sur huit.

Selon les experts, pour convaincre ses créanciers de restructur­er la dette — rééchelonn­er les remboursem­ents, et, le plus souvent, diminuer ou effacer des créances —, le gouverneme­nt doit présenter un plan de réformes pour redresser le pays, dont le PIB a fondu de 36% en quatre ans. «Il doit offrir des garanties qu’il va payer », insiste l’économiste Orlando Ochoa.

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