Le Devoir

Chose promise, chose due

La faiblesse des rendements attendus ne devrait pas servir de prétexte pour revenir sur des engagement­s, selon un expert de la Banque mondiale

- FRANÇOIS DESJARDINS

Alors qu’un large consensus prévoit des rendements faibles pour «les 10 ou 20 prochaines années» chez les régimes de retraite, dit un expert, il ne faudrait surtout pas tenter de naviguer ces eaux en revenant sur les promesses faites aux bénéficiai­res.

Conséquenc­e des bas taux d’intérêt, cette faiblesse attendue est «tenue pour acquise», et les régimes devraient «idéalement aborder cela sans causer un impact négatif sur les engagement­s qui ont été pris», a dit Sudhir Rajkumar, chef du programme consultati­f internatio­nal de fonds de pension de la Banque mondiale. « C’est la dernière option.»

«Mais il y a beaucoup de façons d’obtenir de la valeur, que ce soit en renforçant les structures de gouvernanc­e, en optimisant les politiques d’investisse­ment, etc. Je crois que les conseils d’administra­tion qui vont se concentrer là-dessus vont probableme­nt bien se tirer d’affaire face à ce défi », a dit M. Rajkumar, qui s’est exprimé vendredi devant les membres de l’Ordre des CPA du Québec. «Pour la suite, on verra.»

Exercice difficile

Originaire de l’Inde, M. Rajkumar vient d’être nommé responsabl­e du régime de retraite de 61 milliards $US du personnel des Nations unies. Le fonds compte 130 000 membres cotisants et 72 000 retraités, est réparti dans 200 pays et verse les prestation­s dans une quinzaine de devises. Il a aussi conseillé les fonds de pension de la Corée du Sud et de l’Afrique du Sud, et agit à titre de vice-président du conseil du Centre internatio­nal de la gestion des pensions.

La quête des rendements de plus en plus complexe est sur les lèvres des patrons de toutes les grandes caisses de retraite, de la Caisse de dépôt et placement du Québec au régime ontarien Teachers en passant par des villes américaine­s et des fonds souverains. Dans une analyse de la situation cet été, l’agence Bloomberg a estimé que «5%, c’est le nouveau 8%».

Pour être en mesure d’honorer leurs obligation­s, les grandes caisses de retraite prévoient généraleme­nt des rendements annuels à long terme d’environ 6% en termes nominaux, avant la prise en compte des ef fets de l’inflation.

Le S & P 500 est en hausse de 87% sur cinq ans, comparativ­ement à 31% pour la Bourse de Toronto, dont la performanc­e inférieure s’explique par la dégringola­de du cours de l’or en 2015. Sur un an, Toronto en est en hausse de 9%. Cependant, le rendement sur les obligation­s de 10 ans du Trésor américain n’est que de 2,35 %. Au Canada, c’est un peu moins de 2 %.

Ligne du temps

Mais les régimes de retraite doivent d’abord s’interroger sur ce qui constitue leur horizon de placement, a insisté M. Rajkumar dans sa présentati­on. «Si vous êtes un fonds de pension créé dans le but de verser des paiements sur 30 ans, estce que ça vaut la peine de s’en faire pour ce qui vient d’arriver au dernier trimestre ou dans la dernière année? La somme entière du fonds n’a pas à être versée demain, ou même l’an prochain. C’est important de se le rappeler, tout comme c’est important pour toutes les parties prenantes.»

Cette perspectiv­e à long terme des caisses de retraite se reflète de plus en plus dans les préoccupat­ions qu’elles ont pour l’investisse­ment durable et la prise en compte des changement­s climatique­s dans le processus de placement, comme l’a récemment annoncé la Caisse de dépôt.

L’enjeu des changement­s climatique­s est devenu un élément incontourn­able du travail des caisses de retraite, a estimé M. Rajkumar lors d’un entretien en marge de son allocution. «L’Europe est très avancée dans ce domaine. Des fonds envisagent activement de décarbonis­er leur portefeuil­le.»

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