Les métamorphoses de Jean-François Asselin
NOUS SOMMES LES AUTRES ★★★
Drame de Jean-François Asselin. Avec Pascale Bussières, Émile Proulx-Cloutier, Jean-Michel Anctil, James Hyndman, Valérie Blais et Gabrielle Forcier. Canada (Québec), 2017, 110 minutes.
Dire qu’on attendait impatiemment le premier long métrage de Jean-François Asselin (les séries François en série et Plan B, le court métrage Mémorable moi) relève presque de l’euphémisme. Avec son complice scénariste de Plan B, Jacques Drolet, le réalisateur poursuit enfin au grand écran sa singulière réflexion sur la nature humaine et sur l’importance qu’on accorde au regard de l’autre. Et il ne déçoit pas.
Lorsqu’Alex Picard, architecte de renom, disparaît mystérieusement, Myriam Lambert (Pascale Bussières, énigmatique), sa conjointe et partenaire d’affaires, Frédéric Venne (Émile Proulx-Cloutier, émouvant), architecte dépressif se remettant d’une faillite, et Robert Laplante (Jean-Michel Anctil, révélation du film), expert en sinistre insatisfait de son sort, voient leur destin basculer.
Alors que Myriam fait croire à son supérieur immédiat, Jacques Morin (James Hyndman), qu’elle est toujours en contact avec lui, Frédéric est embauché par la firme Morin-Picard pour participer à un important concours d’architecture en faisant passer ses propres plans pour ceux d’Alex. Chargé du dossier de réclamation d’oeuvres d’art qu’Alex aurait volées chez Myriam, Robert enquête sur la disparition d’Alex.
Étonnante fable
Teinté d’un mystère tantôt enveloppant, tantôt oppressant, ponctué d’éléments ludiques relevant tour à tour du rêve et du cauchemar, Nous sommes les autres propose une étonnante fable évoquant le mythe de Pygmalion, les récits oppressants de Kafka et l’univers insolite de Stéphane Lafleur (Continental, un film sans fusil).
Alors que le film s’annonce comme un sulfureux thriller, Pascale Bussières possédant tout ce qu’il faut pour jouer les femmes fatales, l’ensemble emprunte quelque temps l’allure d’une comédie noire où les personnages masculins sont victimes des machinations machiavéliques des femmes.
Puis, le tout se transforme en un captivant drame existentiel d’une glaciale élégance aux déroutants accents fantastiques — saluons la contribution de Mathieu Laverdière à la photo et de Mathieu Vanasse à la musique pour la création d’atmosphère — où chaque protagoniste se dépêtre dans le mensonge, compose avec des apparences trompeuses, cherche à plaire à tous, alors qu’il cherche sa vraie nature. Tandis que Jacques Drolet et Jean-François Asselin se plaisent à provoquer le malaise, à flirter avec l’insolite, émerge de Nous sommes les autres une solide réflexion sur l’identité et sur le destin.