Ainsi soient-elles
Novitiate s’intéresse aux conséquences de Vatican II chez les religieuses
NOVITIATE ★★★
Drame de Margaret Betts. Avec Melissa Leo, Margaret Qualley, Julianne Nicholson, Dianna Agron, Liana Liberato, Ashley Bell et Rebecca Dayan. ÉtatsUnis, 2017, 123 minutes.
Au début des années 1960, le pape Jean XVIII bouleverse l’Église catholique pour toujours avec le concile de Vatican II dans lequel il propose de «l’air frais». Finies les messes dites en latin par des prêtres tournant le dos à leurs ouailles !
Or, si ce concile oecuménique propose une ouverture sur le monde et un assouplissement des règles de vie religieuses, bon nombre de femmes et d’hommes d’Église voient ces idées progressistes d’un très mauvais oeil.
C’est le cas de l’effroyable mère supérieure qu’incarne l’excellente Melissa Leo dans Novitiate, drame intimiste de Margaret Betts, qui tente tant bien que mal de cacher la réalité aux postulantes, novices et religieuses du couvent qu’elle dirige d’une main de fer (dans un gant de crin!).
Encouragées à quitter les habits traditionnels, à ne plus avoir recours à des châtiments corporels auto-infligés, les religieuses seront dorénavant considérées sur le même pied que tout autre membre de la chrétienté. Ce qui amènera quelque 90 000 d’entre elles à quitter les ordres. C’est dans cette période mouvementée de l’Église, illustrée avec tendresse dans La passion d’Augustine de Léa Pool, que Cathleen (Margaret Qualley, la pureté incarnée) s’apprête à prendre pour époux le Fils de Dieu.
À l’opposé de la mère supérieure, qui semble être née dans un bénitier, Cathleen a découvert la religion catholique le jour où sa mère (Julianne Nicholson, colorée), mécréante assumée, l’amena à l’église par acquit de conscience. Quelques années plus tard, à la (mauvaise) surprise de sa mère, Cathleen fait montre d’une foi rappelant celle de la jeune Thérèse de Lisieux.
D’ailleurs, dans sa façon d’éclairer et de cadrer le visage lumineux de Margaret Qualley, qui a hérité de la beauté de sa mère Andie MacDowell, Novitiate évoque par instants Thérèse, chef-d’oeuvre d’Alain Cavalier. S’il n’en épouse pas la grande sobriété formelle, le film de Margaret Betts porte en lui le même respect dans son illustration du quotidien d’un couvent, exploitant parfaitement la sonorité de chaque pièce, sa lumière tantôt caressante, tantôt austère. N’y manque que le discret parfum des fougères…
Bien que le personnage de Melissa Leo frise par endroits la caricature, risquant de faire sombrer le tout dans un hommage aux films de «nunsploitation» avec son fort penchant pour l’autoflagellation, Novitiate trace avec délicatesse le portrait d’une novice qui se questionne sur sa foi et sur ses pulsions.
C’est d’ailleurs lors des échanges entre Cathleen et les autres novices que Novitiate prend toute sa force. Rarement a-t-on traité avec autant de fraîcheur désarmante, de franche sensualité et de douce insolence de l’appel de Dieu et de la notion de péché au cinéma. En résulte un drame sensible porté par une réflexion pertinente sur la place des femmes dans l’Église et dans la société.