Destins de femmes, pour inspirer les autres
Dans Histoires du soir pour filles rebelles, Elena Favilli et Francesca Cavallo dressent le portrait de 100 rebelles qui ont fracassé les plafonds de verre
Bien sûr qu’il y a Coco Chanel, Harriet Tubman, Misty Copeland, Nellie Bly, Marie Curie, Yoko Ono, Serena et Venus Williams, sans oublier les grandes Nina Simone et Rosa Parks. Mais ce qui fait la particularité d’Histoires du soir pour filles rebelles, c’est aussi la place que ce recueil de destins, livre-événement aux États-Unis l’an dernier, fait à toutes les autres femmes extraordinaires, moins connues, et dont la vie, résumée sous forme de contes par Elena Favilli et Francesca Cavallo, aurait toujours le pouvoir, croient les auteures, d’inspirer les femmes d’aujourd’hui et celles qui vont suivre.
«Il était une fois une petite fille qui filait si vite à vélo qu’on la voyait à peine», écrivent-elles pour parler d’Alfonsina Strada, surnommée le «diable en robe», première femme à avoir pris part au tour cycliste d’Italie en 1924. Vingt et une étapes, sur des routes de montage. « Sur les quatre-vingt-dix participants, seuls trente cyclistes passèrent la ligne d’arrivée: Alfonsina était parmi eux.» Détail important: même si elle a été accueillie en héroïne, l’année suivante, elle fut exclue de cette course, le tour d’Italie étant «une course d’hommes », lui ont rappelé les organisateurs. À ce jour, Alfonsina Strada reste la seule femme à avoir participé aux trois grandes compétitions cyclistes : Tour d’Italie, Tour de France et Tour d’Espagne.
Les femmes bénéficient de beaucoup de confiance aujourd’hui, exposent en substance les auteures de ce bouquin, resté pendant 12 semaines de suite dans le palmarès des best-seller du New York Times l’an dernier. Un million d’exemplaires ont été vendus en anglais à ce jour. «Nous ne tenons pas [cette confiance] pour acquise. La plupart des femmes extraordinaires qui figurent dans ce livre n’ont jamais bénéficié d’une telle confiance. […] Chacune des cent histoires de ce recueil démontre qu’un coeur confiant a le pouvoir de changer les choses.»
Dans ce livre, la singularité de parcours, tous marqués par le doute, par les oublis, par les commentaires déplacés, par les obstacles inutiles, se croisent et permettent de rencontrer Grace Hopper, informaticienne de la marine militaire américaine qui a appris à programmer le premier ordinateur, Irena Sendlerowa, Polonaise qui a sauvé 2500 enfants lors de la persécution des juifs à Varsovie, la pirate Jacquotte Delahaye, qui a dirigé une bande de 100 flibustiers vers 1650, ou encore l’archéologue allemande Maria Reich, surnommée la «Dame des lignes» et qui a passé sa vie à comprendre les géoglyphes de Nazca, ces lignes tracées «dans la pierre sèche du désert» par des peuples anciens, sans doute pour interpeller le ciel.
Mis au monde par une campagne de sociofinancement qui a permis de récolter un million de dollars, soit la plus grande somme dans l’histoire du financement participatif, Histoires du soir pour filles rebelles, avec ces histoires commençant toutes par « il était une fois…» ne relève pourtant pas de la fiction, et cherche plutôt à construire une nouvelle réalité, un monde où les «rêves et les choses que nous pourrons accomplir ne seront pas limités par notre sexe», résument les auteures en guise d’introduction, comme pour rappeler que pour voir apparaître une vague rose, il faut regarder au loin, pour voir comment elle s’est formée.