Le Devoir

Contribuer à la santé humaine et environnem­entale

- JEAN-FRANÇOIS VENNE Collaborat­ion spéciale

Cette année, deux chercheurs se partagent les honneurs du prix Acfas MichelJurd­ant pour leur contributi­on aux sciences de l’environnem­ent. Tous deux ont un même objectif : avoir un impact concret sur la santé de la planète et de ceux qui la peuplent.

Michèle Prévost, professeur­e au Départemen­t des génies civil, géologique et des mines de Polytechni­que, est à l’origine de la création de la Chaire industriel­le CRSNG en eau potable, dont elle est la titulaire depuis 1992. Le renouvelle­ment ininterrom­pu de cette chaire depuis un quart de siècle, un fait rarissime dans le milieu universita­ire, témoigne de son succès.

«J’ai toujours souhaité avoir un impact concret sur l’environnem­ent et les milieux de vie, et c’est le rôle de cette chaire industriel­le, laquelle collabore avec des entreprise­s privées et des municipali­tés pour régler des problèmes de traitement des eaux potables ou élaborer de nouvelles approches dans ce domaine», explique Michèle Prévost.

L’une des recherches récentes de l’équipe de Michèle Prévost concerne la contaminat­ion au plomb dans l’eau potable à Montréal. Les entrées de service des vieux bâtiments y sont faites en plomb et les dispositif­s de plomberie datant de plus de cinq ans en contiennen­t aussi. Or, une concentrat­ion trop élevée en plomb peut nuire à la santé des enfants et des foetus.

Les chercheurs ont notamment trouvé les sources de plomb et déterminé la partie provenant de l’eau, mesuré la contaminat­ion des enfants et l’impact sur leur santé, en plus d’élaborer et de tester des méthodes de remplaceme­nt efficaces et peu coûteuses des entrées de service. L’un des effets a été une réduction de moitié de la quantité de plomb dans l’eau jugée normale par Santé Canada, dont la recommanda­tion est passée de dix à cinq microgramm­es par litre en avril dernier.

«Nous travaillon­s de la détection des problèmes jusqu’à l’instaurati­on des solutions, en collaborat­ion avec des entreprise­s privées et les pouvoirs publics, ce qui permet de transférer des technologi­es de l’université à l’industrie en plus d’améliorer le traitement de l’eau potable au Québec. Les entreprise­s comme les citoyens en bénéficien­t grandement», conclut la chercheuse.

Un mercure voyageur

De son côté, Marc Amyot, professeur en sciences biologique­s à l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en Écotoxicol­ogie et changement­s globaux, traque le mercure et d’autres contaminan­ts, et étudie leurs processus chimiques et leurs déplacemen­ts. Il évalue aussi les risques qu’ils présentent pour les écosystème­s et les humains.

L’exemple du mercure est intéressan­t. Pourquoi en retrouve-t-on autant dans le Grand Nord alors qu’il est produit surtout au sud, notamment là ou des centrales thermiques au charbon sont exploitées, comme aux ÉtatsUnis, en Asie ou dans l’exURSS? C’est que le mercure est un grand voyageur. Un processus de photochimi­e (l’effet de la lumière sur la chimie) le libère du sol et l’envoie dans l’atmosphère. Il peut alors parcourir de grandes distances avant de retomber ailleurs.

À ce stade, cela ne pose pas trop de problèmes. Ce n’est que lorsque des bactéries dans le sol le transforme­nt en méthylmerc­ure qu’il devient neurotoxiq­ue. Comme il se retrouve ensuite dans la chaîne alimentair­e, notamment dans des poissons, il peut présenter des dangers pour la santé humaine.

Le mercure est un sujet d’actualité, notamment parce que l’utilisatio­n de centrales au charbon semble en voie d’être relancée aux États-Unis, mais aussi en raison de certains aspects de la production d’hydroélect­ricité. Marc Amyot travaille présenteme­nt avec Hydro-Québec pour évaluer l’impact de la constructi­on de barrages sur la contaminat­ion au méthylmerc­ure.

«Submerger des zones riches en matière organique crée les conditions favorables pour que les bactéries travaillen­t plus fort et transforme­nt plus de mercure en méthylmerc­ure, explique le chercheur. Typiquemen­t, après la constructi­on d’un grand barrage, la contaminat­ion des poissons au méthylmerc­ure augmente pendant une trentaine d’années.»

Des recherches menées dans la région des lacs expériment­aux ont permis de mesurer le temps qu’un écosystème met à réagir à une baisse des émissions dans l’atmosphère. Les résultats ont notamment contribué à l’adoption, en octobre 2013, de la Convention de Minamata visant à protéger la santé humaine et l’environnem­ent contre les effets néfastes du mercure.

Marc Amyot s’intéresse aussi à l’exploitati­on des mines de terres rares. Plus de 200 projets de mines sont à l’étude au Canada. Or, si les terres rares elles-mêmes ne sont pas très toxiques, l’exploitati­on de ces mines peut relâcher dans l’atmosphère d’autres éléments toxiques. Marc Amyot entend bien étudier de près les conséquenc­es de cette activité minière, afin de cerner rapidement d’éventuels problèmes.

 ??  ?? Marc Amyot et Michèle Prévost
Marc Amyot et Michèle Prévost
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada