Le Devoir

Bientôt une première politique bioaliment­aire pour le Québec

Citoyens, producteur­s agricoles, pêcheurs, transforma­teurs, distribute­urs, restaurate­urs : le 17 novembre prochain, tous les acteurs de l’alimentati­on seront réunis à l’hôtel Delta de Québec à l’appel du ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’A

- HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN Collaborat­ion spéciale

Un objectif ambitieux puisque peu de pays dans le monde en sont arrivés à mettre en place une stratégie aussi élaborée. Certains ont une politique alimentair­e, d’autres une politique agricole, bien souvent les deux. Mais très rarement les deux à la fois. Or, c’est bien de cela qu’il est question. Car le secteur bioaliment­aire, tel que le MAPAQ le conçoit, comprend la production agricole, la pêche et l’aquacultur­e, la transforma­tion des aliments et des boissons, le commerce de ces produits ainsi que la restaurati­on. Pour illustrer son importance, il suffit de savoir qu’au Québec, près de 24 millions de repas sont consommés chaque jour et que 500 000 personnes environ contribuen­t à leur confection.

Un demi-million de personnes donc, qui se penchent sur l’assiette des consommate­urs québécois. Des consommate­urs de plus en plus exigeants et conscients. Des consommate­urs qui en ont assez des scandales alimentair­es, qui veulent pouvoir avoir le choix, mais surtout pouvoir choisir en toute connaissan­ce de cause.

Des consommate­urs qui sont ouverts à soutenir les producteur­s d’ici en achetant local, pour peu que ça ne leur coûte pas beaucoup plus cher que les produits importés. Parce qu’ils trouvent en général qu’ils paient trop cher pour se nourrir. Et encore plus bien sûr pour bien se nourrir. Manger bio? Ils y sont favorables. Surveiller la quantité de produits carnés consommés pour apporter leur contributi­on en matière de protection de l’environnem­ent? Pourquoi pas. Mais encore faut-il que l’offre de remplaceme­nt suive et que cela ne fasse pas exploser leur budget d’épicerie.

Laisser son empreinte

C’est ce qu’ils ont fait savoir tout au long de la dernière année. Environnem­ent, bien-être des animaux d’élevage, aliments biologique­s, étiquetage, gaspillage alimentair­e… sur tous ces sujets, ils ont été invités à «laisser leur empreinte» et ne se sont pas privés de la faire.

«Ça a été la vision de Pierre Paradis, mon prédécesse­ur au

MAPAQ, souligne l’actuel ministre de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on, Laurent Lessard, en entrevue

au Devoir. Le citoyen exerce des choix tous les jours. Il est confronté à une offre alimentair­e en pleine expansion et qui dilue les produits d’ici. Il se préoccupe de sa santé, mais il a un budget à ne pas dépasser et ne veut pas non plus passer des heures à l’épicerie. L’objectif de la future politique bioaliment­aire dont nous allons nous doter est de répondre à toutes ces préoccupat­ions.»

Offrir des aliments sains et facilement reconnaiss­ables, donc. Mais aussi promouvoir les produits d’ici et définir un niveau d’exigence envers ceux qui arrivent d’ailleurs. Protéger l’environnem­ent également. Car de l’avis de tous, la future politique devra avoir une vision à long terme.

«Il faut regarder à 20 ou à 25 ans, estime le président de l’Union des producteur­s agricoles (UPA), Marcel Groleau. Partout dans le monde, les marchés continuent à se développer. Nous avons la possibilit­é, ici au Québec, d’offrir des produits de qualité, car nous avons un environnem­ent sain. Mais pour cela, nous avons besoin de soutien. D’investisse­ments et de recherche-développem­ent. Nous sommes les premiers à vouloir protéger notre environnem­ent, car s’il se détériore,

nous perdons tout. Il faut changer nos techniques pour diminuer les gaz à effet de serre ou les pesticides? Nous embarquons. Mais il faut nous donner les moyens de le faire. »

Accès aux grandes chaînes de distributi­on

Le président de l’UPA tient par ailleurs à préciser que le milieu agricole et de la transforma­tion alimentair­e est très à l’aise avec le fait d’avoir mis le consommate­ur au coeur de l’exercice. Il n’a pas apprécié le fait que le ministre Paradis puisse sous-entendre qu’il n’était pas assez attentif à ses préoccupat­ions.

«Si nous ne répondons pas à leurs attentes, nous n’existons pas, estime-t-il. Juste un exemple, le fait que les consommate­urs souhaitent un meilleur accès aux produits locaux… on a l’impression que ça apparaît tout juste dans le paysage. Mais nous, ça fait dix ans qu’on en parle des marchés publics locaux, de l’agricultur­e biologique ou encore des inquiétude­s concernant l’environnem­ent. Ça fait des années qu’on demande un plan agro-environnem­ental. Alors, si aujourd’hui le gouverneme­nt prend conscience des attentes des citoyens, tant mieux!»

Marcel Groleau souligne que le Québec compte aujourd’hui par exemple plus de 1300 entreprise­s agricoles biologique­s et que d’autres

sont en voie de conversion. Il espère simplement que la politique bioaliment­aire leur permettra un accès plus facile aux grandes chaînes de distributi­on.

Dialogue annuel

«Les Québécois font majoritair­ement leur épicerie dans les grandes surfaces, note-t-il. Or les grands de ce monde aiment mieux s’approvisio­nner par leurs centrales à Toronto ou à Montréal que sur les marchés publics locaux. C’est un point crucial de la future politique. »

Pour le ministre Laurent Lessard, il s’agira de faire entrer dans un même texte l’exigence de développem­ent économique et territoria­l et les enjeux de société que sont l’environnem­ent et la souveraine­té alimentair­e. Comment on se nourrit? Comment on nourrit son village? Sa région? Le reste du Canada, les 360 millions d’Américains, les 500 millions d’Européens, et le reste du monde.

«Tout en sachant que tout cela est mouvant, conclut-il. Nous aurons par la suite un dialogue annuel sur l’évolution des attentes et de nos objectifs. Si l’ordre local et mondial change, il faudra s’adapter. Être à l’écoute des résultats scientifiq­ues également. Afin d’éviter de se rendre compte dans dix ans que l’on n’a pas tenu compte de la réalité. »

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