Le Devoir

Une mise en bouche avant le Sommet

En vue du Sommet sur l’alimentati­on, l’Union des producteur­s agricoles (UPA) a organisé au début du mois un webinaire pour parler des grandes problémati­ques qui traversent le milieu agricole.

- HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN

Les experts invités à partager leurs points de vue sont unanimes : si l’on souhaite que l’agricultur­e québécoise demeure une affaire d’entreprene­urs locaux, il faudra lutter contre la spéculatio­n. La valeur des terres a augmenté de près de 800% en 20 ans, fait valoir le président de l’UPA, Marcel Groleau, ce qui les rend très difficilem­ent achetables par la relève.

La raison de cette augmentati­on? La forte demande internatio­nale pour des terres de qualité alors que la pression démographi­que partout dans le monde, et notamment du côté de la Chine, fait craindre pour la souveraine­té alimentair­e. Or, le réchauffem­ent de la planète fait en sorte que les terres nordiques sont cultivable­s sur une période plus longue chaque année. «La terre est devenue en

quelque sorte un or vert, note Karel Mayrand, directeur de la Fondation David Suzuki pour

le Québec et l’Atlantique. Tant qu’elle reste aux mains des exploitant­s agricoles, ça va. Mais de plus en plus souvent, ce sont des groupes financiers qui investisse­nt. Voire des promoteurs immobilier­s qui vont ensuite essayer de la faire dézoner pour construire des habitation­s.»

«L’étalement urbain est une vraie plaie, confirme le cofondateu­r et directeur général d’Équiterre, Sidney Ribaux.

D’autant que nous avons eu la mauvaise idée de construire Montréal sur les meilleures terres de la province!»

Formation, recherche et programmes agricoles

Il a été également fortement question de formation et de recherche au cours de ce webinaire. La formation parce que, comme le croit Daniel MercierGou­in, titulaire de la Chaire d’analyse de la politique agricole et de la mise en marché collective de l’Université Laval, les entreprise­s agricoles d’ici ne pourront se développer que si elles parviennen­t à aller chercher des marchés ailleurs. «Le Québec est un marché mature en matière de consommati­on alimentair­e, indique-t-il. Il faut donc exporter. Nous le faisons déjà, et cela rapporte 8 milliards de dollars à l’économie québécoise. Mais ce n’est pas suffisant. Il faudrait donc gagner en efficacité économique pour

pouvoir concurrenc­er d’autres marchés. Et ça prend des agriculteu­rs éduqués.»

À cela, la présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec, Michèle Lalancette, répond que 83% des

jeunes entreprene­urs agricoles disposent d’une formation collégiale ou universita­ire. De quoi leur permettre de réfléchir à leur avenir. De quoi également être capable de comprendre les résultats de recherche. Or, tous s’accordent sur le fait que Québec devra investir en la matière.

«Si on ne doit plus utiliser les intrants chimiques et les pesticides, ça nous prend d’autres moyens, souligne Marcel Groleau. Plusieurs de nos membres constatent également l’apparition de nouveaux ravageurs, qu’ils n’avaient jamais vus jusque-là. Comment s’en débarrasse­r? On a besoin de chercheurs pour nous aider.»

Enfin, la question des programmes agricoles a également été débattue, car ils sont considérés comme trop généraux, et donc finalement inadaptés à la majorité des producteur­s. Tous plaident pour des programmes par filière — maraîchère, bovine, porcine, laitière, etc. — et par région, car la réalité de l’Abitibi n’a rien à voir avec celle de la Montérégie.

Autant de sujets que l’UPA entend bien remettre sur la table lors du Sommet sur l’alimentati­on, le 17 novembre.

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ISTOCK Le président de l’UPA, Marcel Groleau, souligne l’importance de la recherche afin de trouver des alternativ­es à l’utilisatio­n de pesticides et autres intrants chimiques.

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