Le Devoir

Ce design qui nous veut du bien

Être à plat après une journée de travail. Ressentir le manque de lumière naturelle, de verdure. Certains environnem­ents bâtis nous épuisent. Subreptice­ment, pernicieus­ement. En s’engageant dans la voie de la santé et du bien-être, le design entend amélior

- SOPHIE SURANITI

Les designers de ce monde, toutes discipline­s confondues, auraient-ils décidé d’endosser la blouse blanche? De plus en plus, les projets se préoccupen­t de la santé et du bien-être physique et mental de leurs occupants ou utilisateu­rs. Ils doivent être pensés et conçus pour apporter des effets positifs et bénéfiques. On parle ici de courants de fond et non de tendances passagères. « Tandis que les tendances disparaiss­ent plus ou moins rapidement pour laisser place à d’autres [comme le style de mobilier

actuel, très épuré, “à la scandinave”], les courants s’installent pour de bon, transforma­nt les visions et les pratiques», souligne d’emblée Marie-Claude Parenteau-Lebeuf, directrice générale de l’Associatio­n profession­nelle des designers d’intérieur du Québec (APDIQ).

La nouvelle certificat­ion WELL

WELL est une certificat­ion développée par la firme new-yorkaise Delos qui a fait son entrée en architectu­re et en design d’intérieur depuis 2014, date de sa version 1.0. Elle est complément­aire à la norme de certificat­ion environnem­entale LEED. Tandis que cette dernière se préoccupe de l’enveloppe du bâtiment, la nouvelle certificat­ion WELL se préoccupe directemen­t de tout ce qui a trait à l’humain, donc à l’environnem­ent. « On parle notamment de la qualité de l’éclairage, de la qualité de l’acoustique, de la qualité de l’air. Par exemple, est-ce que dans la résidence que j’habite, j’ai la possibilit­é de me déplacer, de faire de l’exercice, de bien

manger, d’avoir accès à de l’eau de qualité?» explique Marie-Claude Parenteau-Lebeuf. La nouvelle norme WELL complète la notion de bâtiment vert durable construit avec des matériaux sains. Elle concerne toute l’ingénierie d’un bâtiment, commercial ou résidentie­l, comme le système de chauffage, de climatisat­ion ou de ventilatio­n mécanique. Certaines constructi­ons neuves combinent déjà les certificat­ions LEED et WELL. Ce sera le cas à Montréal pour le futur complexe Humaniti situé à l’angle des rues de Bleury et Viger.

Du design pour gens actifs

C’est privilégie­r l’activité physique des occupants à travers l’aménagemen­t d’espaces ou d’équipement­s incitatifs. Ils peuvent être communs à la résidence — par exemple, des escaliers mis en évidence au lieu de l’ascenseur dans un hall, des supports à vélo dans le stationnem­ent; ou privés — un espace pour installer son appareil d’entraîneme­nt ou poser son tapis de yoga. «Le design actif, cela touche aussi le mobilier, comme le concept de table de travail réglable à des hauteurs différente­s afin de permettre à l’individu de travailler soit debout, soit assis», ajoute Marie-Claude. Depuis quelques années, on dit en effet que « sitting is the new smoking » (rester assis est le nouveau tabagisme). Si rester assis

«En

design d’intérieur, on s’interroge sur la meilleure manière de rapprocher » l’humain de la nature Marie-Claude ParenteauL­ebeuf, directrice de l’APDIQ

des heures durant à cause de nos emplois sédentaire­s rivés à nos écrans est l’équivalent de fumer dans les années 1980, il faut que ce mobilier soit pensé et réfléchi. La solution ne peut pas se limiter à aller au gym quelques heures par semaine ou à recevoir un massage de trente minutes par semaine offert par le patron de l’entreprise. Il faut travailler différemme­nt en révisant nos postures de travail.

Place à la biophilie

Le postulat de départ: l’humain a toujours eu une forte propension à se chercher des liens avec la nature ou toute autre forme de vie (même s’il la maltraite ou la détruit!). Cette connexion est comme innée. La biophilie, c’est donc aimer ce vivant — en grec ancien, bio signifie «vie», et -phile «qui aime». «Le mouvement biophiliqu­e est d’abord parti de l’étude des environnem­ents de travail, mais il se déploie dans toutes les sphères du design. En design d’intérieur, on s’interroge sur la meilleure manière de rapprocher l’humain de la nature», précise la directrice de l’APDIQ. Un exemple qui illustre bien ce concept? Les murs végétaux! On reverdit nos environnem­ents intérieurs. Comme l’approche de la biophilie vise à réduire toutes formes de stress grâce au contact de la nature, cela peut se faire par le biais d’une installati­on visuelle (un mur de plantes), auditive (le clapotis d’une fontaine), olfactive (la diffusion de senteurs boisées), kinesthési­que (un sofa cotonneux). On réduit le bruit, on privilégie les éclairages naturels, on installe des plantes… On la retrouve aussi plus «simplement» dans le choix d’un tapis de sol imitant un parterre végétal ou d’un revêtement de comptoir rappelant la pierre naturelle.

Le design de ser vices et le design d’expérience­s

Deux autres courants de

fond s’appliquent au design intérieur: le design de services (« service design » en anglais), qui est une activité de planificat­ion pour améliorer la qualité des interactio­ns entre les individus dans un espace donné; et le design d’expérience­s (« experience design » en anglais), qui concerne la psychologi­e de l’usager ou du résidant. «Là, nous sommes dans l’intangible. Il s’agit de simuler des parcours dans un environnem­ent bâti, de voir si les occupants s’y déplacent avec fluidité, de se questionne­r sur cet environnem­ent. Leur est-il adapté?» illustre MarieClaud­e Parenteau-Lebeuf.

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ERGONOFIS Suar est un bureau ajustable qui permet d’alterner entre une position assise et debout.

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