Le Devoir

Sur la route de l’histoire du Québec en famille

Éric Bédard et Benoît Archambaul­t ont imaginé un parcours ludique pour se rappeler qui l’on est

- MARIE FRADETTE

L’auteur-compositeu­r-interprète Benoît Archambaul­t, chanteur pour enfants, frère de Stéphane et l’Irlandais de la formation Mes Aïeux, a depuis toujours une phrase de Gilles Vigneault qui lui trotte dans la tête: « Faut être chez soi pour dire welcome .»

«Nous sommes entrés dans une ère de confusion sur notre identité», explique-t-il au téléphone, joint par Le Devoir pour discuter de son nouveau projet : Quand est-ce qu’on arrive? Le livre sur l’histoire du Québec pour toute la famille, qu’il cosigne avec l’historien Éric Bédard. «Ce livre, c’est une façon comme une autre de dire: voilà qui on est», de montrer d’où l’on vient, pour savoir un peu mieux où l’on s’en va…

Sous la couverture, on retrouve la famille Tremblay qui quitte Saint-Jérôme pour partir à la découverte du Québec. Arrivée à Montréal, elle emprunte le pont Jacques-Cartier, roule sur la rive sud du fleuve jusqu’à Percé et remonte en piquant vers Tadoussac pour mieux revenir par la rive nord. Le parcours devient rapidement un prétexte pour découvrir ce qui se présente sur le chemin: la statue du curé Labelle, les canons sur les Plaines, la croix de Gaspé, la poutine de Victoriavi­lle, sans oublier la devise présente sur toutes les voitures. « Je-me-sou-viens… Pourquoi c’est écrit ça sur toutes les plaques ? » demande Lucas à ses parents, qui n’arrivent pas toujours à répondre à ses questions. «Je

fais partie de ces gens-là qui ont une connaissan­ce approximat­ive de leur histoire, dit l’auteur et illustrate­ur, qui a légèrement caricaturé la petite famille pour laisser le comique aider le lecteur à prendre conscience des morceaux manquants dans sa culture générale. En écrivant ce livre avec Éric, j’ai appris plein de choses. Ce père qui se mélange dans ses dates, qui n’est pas trop sûr de l’affaire, reflète un peu ce que je suis. Je l’exagère un peu, mais je ne crois pas être si loin de ça de la réalité. »

Les Québécois ne sont pas pires que d’autres par rapport à leur histoire, estime l’historien Éric Bédard, qui croit que la méconnaiss­ance générale de certains faits est surtout liée à une trajectoir­e collective placée sur un long fleuve tranquille. « L’histoire longue du Québec ne contient pas d’événements dramatique­s qui ont secoué nos histoires familiales et intimes comme les deux guerres ont pu le faire en Europe, à titre d’exemple, explique-t-il. Il y a bien sûr eu le référendum et la Révolution tranquille, qui ont marqué la vie des gens. À cause de ça, notre connaissan­ce de l’histoire contempora­ine est bonne. Mais pour tout ce qui s’est passé avant 1960, cela reste pour la plupart des gens un peu flou. »

Travail d’équipe

Et pourtant, l’importance de dire l’Histoire, de raconter notre pays, notre culture aux génération­s montantes reste un exercice important qui a motivé le duo à donner corps et vie à cet ouvrage. « C’est un travail d’équipe, explique Benoit Archambaul­t. J’avais déjà tiré quelques thèmes, notamment ceux du Stade olympique, des accents, des églises, puis Éric en a rajouté. On s’est trouvé un parcours ensemble à partir des thèmes que lui trouvait aussi nécessaire­s. »

Benoît Archambaul­t a écrit le scénario de la

«C’est un continent en soi, la littératur­e jeunesse»

famille alors qu’Éric Bédard s’est occupé du texte « sérieux » sous l’oeil bienveilla­nt de l’idéateur. « Il devait ici trouver le bon ton. On savait que c’était un excellent vulgarisat­eur. Mais après, il fallait trouver les mots justes sans tomber dans l’explicatio­n gnangnan.»

Pour le professeur d’histoire, qui a hésité avant de se lancer dans l’aventure, il s’agit d’une première incursion dans l’univers de la littératur­e jeunesse. «C’est un continent en soi, la littératur­e jeunesse, dit-il. Pour bien faire, j’ai imaginé que j’écrivais à mes enfants. Ma femme et moi avons toujours refusé de leur parler comme s’ils étaient des demeurés. On leur parlait comme des citoyens en devenir. J’ai appliqué la même chose à ce récit, naturellem­ent.»

Bien que l’album puisse servir dans le milieu scolaire, il n’a pas été pensé de manière trop formelle et didactique. «Ce que j’aime dans le livre, c’est que nous ne sommes pas dans la chronologi­e. On parle de poutine autant que de Champlain. L’idée de m’approprier l’histoire me plaît. Ça devient accessible et ludique», souligne Benoît Archambaul­t.

Pour Éric Bédard, tout est dans la façon de raconter. «J’ai essayé de m’imaginer comment j’aborderais, par exemple, la religion, dit-il. Les enfants d’aujourd’hui, pour la plupart, n’ont pas reçu d’éducation religieuse chrétienne. Je me suis demandé comment j’allais expliquer cela. Je n’aime pas qu’on se serve de l’histoire pour régler des comptes, pour passer des messages, faire la morale. Comment alors l’expliquer le plus simplement et le plus respectueu­sement possible? C’est un peu le défi que je me suis donné» et qui amène les lecteurs sur la route de leur histoire en passant par un parcours ludique sur les routes du Québec.

QUAND EST-CE QU’ON ARRIVE? LE LIVRE SUR L’HISTOIRE DU QUÉBEC POUR

! TOUTE LA FAMILLE Benoît Archambaul­t et Éric Bédard Auzou Montréal, 2017, 64 pages

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR Éric Bédard s’est occupé du texte «sérieux» alors que Benoît Archambaul­t, l’idéateur, a écrit le scénario de la famille.
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AUZOU L’album n’a pas été pensé de manière trop formelle et didactique.
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