Droits de la personne en Asie.
Des ONG ont Justin Trudeau à l’oeil.
Les groupes des droits de la personne surveilleront de très près les gestes du premier ministre Justin Trudeau d’ici la fin de sa tournée en Asie du Sud-Est pour voir si, et comment, il abordera cet enjeu dans une région du monde marquée par des situations que les organisations dénoncent depuis longtemps.
Si les bulletins d’information montraient dimanche les images d’un Justin Trudeau faisant son chemin dans une foule enthousiaste à Manille, plusieurs souhaitent que le premier ministre profite de son passage pour affirmer l’importance accordée par le Canada à ces questions, notamment aux Philippines où la campagne antidrogue s’est traduite par des milliers de morts depuis un an et demi.
«Ça serait désolant qu’on ne fasse pas passer de message sur les droits de la personne aux Philippines », a dit lors d’un entretien la directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone, Béatrice Vaugrante. «Il faut que ça vienne sur la table. […] Je comprends que c’est un sommet, qu’il n’y a pas toujours des rencontres bilatérales. Mais on est à près de 12 000 morts sous la présidence de M. Duterte. C’est alarmant. » La communauté internationale doit se faire entendre, selon elle.
Amnistie internationale a envoyé une lettre à M. Trudeau il y a une dizaine de jours l’exhortant à mettre de la pression sur le Vietnam au sujet de ses prisonniers politiques et sur le gouvernement philippin pour les décès qui surviennent de façon régulière dans le cadre de la lutte contre la drogue. L’organisation lui demande aussi d’intervenir en faveur des centaines de milliers de réfugiés rohingyas, chassés du Myanmar vers le Bangladesh dans ce que plusieurs appellent un «nettoyage ethnique».
Jeudi, Human Rights Watch a également dressé sa liste de priorités pour les dirigeants prenant part aux sommets de l’APEC et de l’Asie du Sud-Est, ajoutant la «détérioration des droits de la personne» au Cambodge et le climat politique en Thaïlande. La directrice canadienne, Farida Deif, a écrit que M. Trudeau devrait se faire entendre sur la question des réfugiés rohingyas pour montrer que «la diplomatie tranquille à ces sommets et les prises de photo ne sont pas un gage de succès ».
Calendrier
Le calendrier officiel de M. Trudeau ne fait mention d’aucune réunion en face à face avec M. Duterte. Le premier ministre canadien doit participer lundi à la cérémonie d’ouverture du 31e sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), qui regroupe dix pays. Mardi, il prononcera une allocution et rencontrera la presse, après quoi il assistera à un discours du président philippin Rodrigo Duterte.
Lors de son passage au Vietnam, M. Trudeau a affirmé aux médias samedi qu’il « y a une multitude de choses que je pourrais soulever avec lui, si nous en avons l’occasion». «Il y a toujours des enjeux de droits humains à aborder avec plusieurs dirigeants. »
L’évolution des échanges commerciaux dans le monde fait en sorte que les chefs d’État hésitent parfois à dénoncer des abus, car ces sommets sont également un forum de choix pour tisser des liens commerciaux plus serrés et mettre la table à des ententes bilatérales.
Le Canada a une ambassade à Manille de même qu’un consulat à Cebu, un archipel situé plus au sud. Selon une fiche du gouvernement canadien, « les relations bilatérales entre le Canada avec les Philippines sont solides et amicales ». Le Canada, qui compte 660 000 citoyens d’origine philippine, y a exporté des marchandises de 630 millions en 2016, et a impor té pour 1,4 milliard.
Selon le gouvernement, des occasions se présentent notamment pour les sociétés canadiennes de communication, en infrastructures, en défense et en technologies propres. Ottawa estime à près de 22 milliards la valeur des échanges entre le Canada et les dix pays de l’ANASE.