Le Devoir

Que doit-on espérer pour la mobilité de demain?

Les promesses électorale­s de Valérie Plante sous la loupe des organismes de transports alternatif­s

- ANNABELLE CAILLOU

Changement de garde à l’Hôtel de Ville de Montréal. La nouvelle mairesse, Valérie Plante, élue sous les couleurs de Projet Montréal, n’a pas lésiné sur les promesses en matière de transport et de mobilité durant la campagne. Favorables à ce vent de changement, les acteurs du milieu espèrent que ses idées verront le jour et que certains dossiers passés sous silence reviendron­t à l’avantplan. Tour d’horizon.

Montréal, ville cyclable.

La métropole québécoise a perdu du galon ces dernières années dans le palmarès des meilleures villes cyclables au monde établi par la firme Copenhagen­ize, passant de la 8e à la 20e place entre 2011 et 2017.

Mais l’arrivée d’une mairesse « pro-vélo » à la tête de la métropole redonne confiance aux organismes du milieu. Mme Plante a même affirmé qu’elle continuera­it d’enfourcher son vélo en dépit de ses nouvelles fonctions.

«Ça donne l’exemple, c’est inspirant ! Ça envoie le message que c’est pas juste les gens granola aux fortes valeurs environnem­entales qui se déplacent au quotidien à vélo», se réjouit la directrice générale de Vélo-Québec, Suzanne Lareau.

«Ça prouve qu’elle comprend la réalité des cyclistes, ce n’est pas quelqu’un qui reste dans son auto pour ensuite s’asseoir directemen­t derrière un bureau. C’est une avancée, un gros plus pour Montréal», renchérit la co-porte-parole de la Coalition vélo Montréal Claudine Sauvadet.

Les deux organismes ne cachent pas leur hâte de voir se réaliser le réseau de voies rapides pour vélo de 140 km, sécurisées et séparées des véhicules, sur sept grands axes de l’île, promis par Projet Montréal.

Mais beaucoup reste à faire. «Il nous faut plus d’aménagemen­ts structuran­ts et sécuritair­es pour rejoindre le centrevill­e. Beaucoup ont abandonné l’idée d’y aller à vélo, ne se sentant pas en sécurité. Ceux qui le font, c’est dans des conditions misérables au sud du boulevard De Maisonneuv­e», déplore Mme Lareau.

À ses yeux, la Ville a manqué bien des occasions ces dernières années en refaisant à neuf des artères sans aménagemen­t pour cyclistes. Avenue Papineau, boulevard Bonaventur­e, rue Saint-Denis: les exemples ne manquent pas pour prouver que la voiture est restée au coeur de la vision de mobilité de l’ancienne administra­tion.

À quelques semaines des premières neiges, les attentes d’avoir «un vrai réseau blanc» sont grandes.

L’administra­tion Coderre a fait des efforts l’année passée, en déneigeant la piste de la rue Rachel et en maintenant un axe cyclable nord-sud dans les arrondisse­ments Villeray et Rosemont–La Petite-Patrie, mais Mme Lareau s’attend à plus avec la nouvelle mairesse.

«J’espère que cet axe nordsud sera aussi opérationn­el sur le Plateau, […] et il faudra penser à des techniques pour enlever les couches de glace sur les bandes cyclables.»

De meilleurs jours pour l’autopartag­e?

Leur expansion ayant été limitée par l’administra­tion Coderre, les entreprise­s de voitures en libre-service (VLS) Communauto et Car2go voient d’un bon oeil l’élection de Valérie Plante, elle-même utilisatri­ce de ce moyen de transport.

En campagne électorale, elle a promis de supprimer les restrictio­ns qui empêchent le déploiemen­t de l’autopartag­e. Un moyen d’encourager les citadins à abandonner leur voiture personnell­e et ainsi de limiter la congestion routière tout en diminuant la création de gaz à effet de serre.

Le règlement adopté l’année passée prévoyait de ne pas dépasser 1000 VLS d’ici 2020 et de retirer progressiv­ement les vignettes pour les véhicules à essence ou hybride afin de favoriser les voitures électrique­s. Longtemps fermé aux VLS, le centre-ville accueille désormais seulement les électrique­s, obligeant les abonnés à se stationner dans les quartiers limitrophe­s.

Si Projet Montréal tient ses promesses, finis les quotas et les limitation­s d’accès.

«Être présent en centre-ville, c’est la clé pour faire compétitio­n à l’auto solo, c’est là qu’il y a le plus de congestion routière», soutient le directeur général de Car2go, Jérémi Lavoie.

Confiant, le porte-parole de Communauto, Marco Viviani, rappelle que ce sont les arrondisse­ments du Plateau-Mont-Royal et de Rosemont–La Petite-Patrie (représenté­s par Projet Montréal depuis 2009 et 2013) qui ont le plus d’abonnés sur l’île.

«Il y a eu dès le début une collaborat­ion dans ces arrondisse­ments qui ont beaucoup de stationnem­ents en voirie pour les VLS par exemple. Peut-être qu’on peut espérer autant pour d’autres arrondisse­ments maintenant.»

M. Viviani se questionne néanmoins sur le dossier de l’électrific­ation des VLS. « Les batteries sont limitées et on manque de bornes pour les recharger, c’est un frein à l’autopartag­e en ce moment.»

Marcher en toute sécurité.

En 2016, 15 piétons ont perdu la vie après avoir été heurtés par un véhicule à Montréal, poussant l’administra­tion Coderre à adopter en septembre dernier la «Vision zéro» — proposant de limiter la vitesse à 30 ou 40 km/h et d’installati­on des radars photo. Des mesures qui n’ont pas été appliquées à la lettre, selon le porte-parole de Piétons Québec, Félix Gravel, qui s’attend à plus d’efforts de la part de Mme Plante.

Revoir la sécurité des piétons aux intersecti­ons est aussi primordial, d’après lui. La mairesse a justement promis d’allonger le temps de traverse aux feux de circulatio­n pour les besoins des aînés et d’abolir les critères pour apporter des changement­s aux endroits dangereux. À l’heure actuelle, il faut au moins quatre collisions

en un an avant d’envisager un réaménagem­ent.

Félix Gravel espère aussi que la nouvelle administra­tion ne tardera pas à repenser les passages sous les viaducs. «C’est dangereux, mal éclairé, et les vélos vont sur les trottoirs, une mesure d’urgence qui dure toujours. Il faut trouver des solutions pour répondre aux besoins des cyclistes, des piétons et des automobili­stes.»

Mais il garde espoir de voir un vrai changement de cap quant à la place du piéton en ville. «Projet Montréal n’est pas un parti qui priorise l’automobile. Il y en aura toujours, mais on va sacrifier plus facilement du stationnem­ent pour le bien des piétons.»

Il n’hésite pas à qualifier le bilan du maire sortant «de très mauvais dans la culture des piétons». «Le trottoir rue Brébeuf [dans le Plateau-Mont-Royal] est un bel exemple: on a réduit un trottoir et laissé peu de place aux piétons pour encore privilégie­r le stationnem­ent.»

Avenue du Mont-Royal, place Gérald-Godin, rue Sainte-Catherine, square Phillips, promenade Ontario: les projets de réaménagem­ent ne manquent pas. Il suffit de les mettre en marche.

Davantage de transport en commun.

Constructi­on de la ligne rose du métro, ajout de 300 autobus hybrides d’ici 2020: Valérie Plante s’est engagée à élargir l’offre de transports collectifs aux Montréalai­s. Des promesses attendues de pied ferme par les défenseurs de l’accessibil­ité au transport en commun.

Philippe Cousineau Morin, directeur de Trajectoir­e Québec, se réjouit particuliè­rement de voir le réseau de bus au centre de l’intérêt de la mairesse. «Le réseau de bus, c’est le morceau qui manquait dans l’améliorati­on du cocktail de transports. C’est saturé, surtout l’hiver, alors ça va faire une différence importante.»

Une autre ligne de métro permettrai­t aussi de désengorge­r la ligne orange, estime-t-il, craignant toutefois que ce projet d’envergure fasse de l’ombre à des projets de courte durée, plus faciles à mettre en place, comme de nouvelles lignes d’autobus.

Réparer les routes de la métropole.

L’état des routes montréalai­ses est souvent critiqué par les automobili­stes qui doivent faire preuve de prudence pour éviter les nids-depoule. En 2016, le boulevard Gouin Est s’est hissé à la 3e place du palmarès des pires routes de la province, réalisé par CAA Québec. Selon le porte-parole, Pierre-Olivier Fortin, la nouvelle administra­tion va devoir prendre sérieuseme­nt les choses en main pour améliorer l’état du réseau routier et assurer la sécurité des usagers.

Sans parler de la congestion routière, qui crée toujours plus de maux de tête aux automobili­stes. Parmi les 20 points d’engorgemen­t les plus importants au Canada en 2016, cinq tronçons se trouvaient sur l’île de Montréal, d’après CAA-Québec.

Or, les grands projets de rénovation, comme l’échangeur Turcot ou le pont Champlain, pourraient aggraver l’ampleur de la congestion s’«ils ne sont pas bien arrimés et pensés pour limiter leur impact sur le réseau routier», s’inquiète M. Fortin.

«[La mairesse] comprend la réalité des cyclistes, ce n’est pas quelqu’un qui reste dans son auto pour ensuite aller s’asseoir derrière son bureau Claudine Sauvadet, de la Coalition vélo de Montréal

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Réseau de voies sécurisées pour vélo, constructi­on de la ligne rose du métro, ajout de 300 autobus hybrides: Valérie Plante s’est engagée à élargir l’offre de transports aux Montréalai­s.
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PEDRO RUIZ LE DEVOIR L’entreprise de voitures en libre-service Car2go voit d’un bon oeil l’arrivée de Valérie Plante à la tête de l’Hôtel de Ville.

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