Il ne faut pas confondre une revendication politique et une pratique religieuse
Le paradoxe n’est pas banal. Sous couvert de sa conversion à la religion musulmane, une Québécoise revendique le droit du port d’un voile intégral sur son visage. Pourtant, des femmes issues de fortes traditions musulmanes dans certains pays d’Afrique du Nord se sont battues et ont obtenu le retrait de cette obligation visant à les maintenir dans un statut d’invisibilité, si ce n’est d’infériorité.
En fait, le caractère très médiatique du port du voile de cette femme ne fait pas de doute : il s’agit bien là d’une contestation à caractère strictement politique, à cent lieues de la foi religieuse qu’elle revendique. Et qui fait ainsi la démonstration éloquente de l’inadéquation du remplacement de l’implantation d’un cadre politique et juridique de laïcité de l’État par des mécanismes flous de reconnaissance de neutralité religieuse.
Ainsi, comment justifier l’insistance sur le port du voile pour les femmes comme un élément central du débat sur la laïcité et passer sous silence tous les signes séculaires distinctifs d’appartenance religieuse, et de revendication politique, fautil le rappeler, tout aussi présents chez les hommes (soutane, turban ou kippa, à titre d’exemple).
Non seulement l’établissement de signes religieux distinctifs et les conditions de leur utilisation publique s’avèrent des terrains fertiles à toutes formes d’interprétation juridique, mais ils favorisent également le recours à la protection et à la primauté des droits individuels et interethniques pour contester toute mesure visant l’établissement de la laïcité de l’État.
Il convient pourtant de ne jamais perdre de vue qu’un tel débat s’inscrit dans les fondements historiques sociologiques spécifiques de la société québécoise. Il s’agit d’un cocktail composé de l’influence historique politique majeure des autorités religieuses, du développement tardif mais senti du discours politique féministe, d’un enchevêtrement de structures juridiques et politiques issues des traditions française et britannique.
Tous ces ingrédients sont donc réunis et accessibles à toute personne ou à tout organisme désirant contrer l’implantation de mesures visant à inscrire la laïcité comme l’un des fondements de l’État québécois. Serge Genest Québec, le 11 novembre 2017