Le Devoir

Catalogne Rajoy interpelle la «majorité silencieus­e» catalane

Le président espagnol a lancé un appel à la mobilisati­on contre l’indépendan­ce aux élections régionales

- ANNE-LAURE MONDESERT ADRIEN VICENTE à Barcelone

Le chef du gouverneme­nt espagnol, Mariano Rajoy, a tenté de mobiliser en Catalogne contre l’indépendan­ce en appelant dimanche à Barcelone la «majorité silencieus­e» à se faire entendre lors des élections régionales, au lendemain d’un rassemblem­ent massif des indépendan­tistes.

En visite en Catalogne pour la première fois depuis qu’il a placé la région sous tutelle, Mariano Rajoy, bête noire des indépendan­tistes, est venu soutenir le candidat de son Parti populaire, Xavier Garcia Albiol, aux élections régionales prévues le 21 décembre.

M. Rajoy a lui-même convoqué ce scrutin après avoir destitué le gouverneme­nt séparatist­e de Carles Puigdemont et dissous le Parlement régional pour «rétablir l’ordre constituti­onnel », après le vote d’une déclaratio­n d’indépendan­ce le 27 octobre par le Parlement de Catalogne.

Le dirigeant conservate­ur a également appelé «toutes les entreprise­s qui travaillen­t ou ont travaillé en Catalogne à ne pas s’en aller», alors que près de 2400 entreprise­s ont quitté la région, gagnées par l’incertitud­e sur son avenir.

Et dans une Catalogne économique­ment stratégiqu­e pour l’Espagne où se succèdent manifestat­ions, défilés et grèves, le tourisme dont dépendent bien des emplois a baissé d’au moins 15 % depuis le référendum du 1er octobre.

« Nous voulons retrouver la Catalogne de tous, démocratiq­ue et libre», a déclaré Mariano Rajoy, appelant aussi les Espagnols à continuer d’acheter des produits catalans.

«Nous pourrons y arriver si la majorité silencieus­e transforme sa voix en vote », a-t-il lancé aux Catalans partisans du maintien en Espagne dans cette région profondéme­nt divisée, à parts presque égales, sur l’indépendan­ce.

Le candidat du PP, dont la campagne est placée sous le signe d’un coeur mêlant les drapeaux espagnol et catalan et du slogan «ensemble», a aussi interpellé les habitants de cette région.

«Que préférez-vous? Des entreprise­s, des emplois, un avenir, ce que représente le Parti populaire, ou la révolution, les blocages de routes, les grèves […], ce que représente l’indépendan­tisme ? », a interrogé Xavier Garcia Albiol, un ancien joueur de basket-ball.

La secrétaire générale du PP, la ministre de la Défense Maria Dolores de Cospedal, a elle aussi vanté les mérites d’une région qui « faisait l’orgueil économique et social de l’Espagne».

Mais pour le PP, la campagne s’annonce ardue: lors des dernières régionales en Catalogne, il n’avait obtenu que 8,5 % des voix, largement concurrenc­é par la jeune formation libérale Ciudadanos, deuxième force politique de la région, anti-indépendan­tiste et qui lui reproche sa corruption.

Mariano Rajoy s’exprimait au lendemain d’une gigantesqu­e manifestat­ion à Barcelone réclamant la libération d’une dizaine de dirigeants séparatist­es, le noyau dur du mouvement, incarcérés dans des enquêtes pour «rébellion » et « sédition ».

Selon la police municipale, 750 000 personnes y ont participé, démontrant que les mouvements indépendan­tistes ont encore une grande capacité de mobilisati­on.

«Défendre la démocratie»

À Bruxelles, plusieurs centaines de manifestan­ts indépendan­tistes catalans ont interpellé dimanche l’Union européenne, l’exhortant à «défendre la démocratie» en Catalogne.

Un rassemblem­ent auquel n’a pas assisté le président catalan destitué, Carles Puigdemont, qui se trouve avec quatre autres ex-ministres de son gouverneme­nt dans la capitale belge, dans l’attente d’une décision sur un mandat d’arrêt européen délivré par l’Espagne à leur encontre.

Beaucoup de Catalans, même non indépendan­tistes, reprochent à Mariano Rajoy d’avoir mené un combat contre le statut de très large autonomie de la région, qui avait débouché sur son annulation partielle par la Cour constituti­onnelle en 2010, vécue comme une humiliatio­n.

M. Rajoy, qui a accédé au pouvoir en 2011, a toujours refusé les demandes de la Catalogne d’une meilleure répartitio­n des rentrées fiscales de la nation, puis de la tenue d’un référendum d’autodéterm­ination que les séparatist­es ont fini par organiser malgré son interdicti­on par la justice.

Selon un sondage publié dimanche par le quotidien El Pais, 69% des Catalans désapprouv­ent la façon dont il gère la crise en Catalogne, bien que le même pourcentag­e soutienne sa décision de convoquer des élections régionales.

De moins en moins de Catalans semblent croire à l’indépendan­ce de la région «dans un avenir plus ou moins proche» : ils ne sont plus que 28 %, contre 51 en octobre.

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