Le Devoir

Un Vinci controvers­é star des enchères d’automne à New York

- CATHERINE TRIOMPHE à New York

Il y aura des Chagall, Van Gogh, Picasso et Warhol, mais la vedette des ventes aux enchères d’automne qui s’ouvrent lundi à New York sera le Salvator Mundi de Léonard de Vinci, au coeur d’une bataille entre un milliardai­re russe et un marchand d’art.

La maison Christie’s avait annoncé en octobre qu’elle mettrait en vente le 15 novembre ce tableau, seul parmi les moins de 20 tableaux préservés du maître de la Renaissanc­e à être toujours entre des mains privées.

La maison d’enchères a estimé à 100 millions de dollars la valeur de cette toile de 65cm sur 45cm, vendue pour 45 livres seulement en 1958, bien avant qu’elle ne soit reconnue comme un authentiqu­e «Leonardo», en 2005.

Surestimat­ion

Le milliardai­re Dmitri Rybolovlev, oligarque exilé qui préside le club de football de l’AS Monaco, accuse le marchand d’art suisse Yves Bouvier, qui devait l’aider à investir quelque 2 milliards de dollars en oeuvres d’art, d’avoir pris des marges exorbitant­es sur les tableaux qu’il lui procurait.

Le Salvator Mundi, Christ «sauveur du monde», peint aux environs de 1500, serait la preuve flagrante de cette escroqueri­e : Yves Bouvier aurait acheté le tableau chez Sotheby’s pour 80 millions de dollars en 2013, et l’aurait revendu à M. Rybolovlev pour 127,5 millions.

Certains ont supputé qu’en remettant ce tableau aux enchères, le milliardai­re russe, dont la bataille avec M. Bouvier se déroule désormais devant les tribunaux, espère démontrer que le prix qu’il a payé était largement surestimé. M. Bouvier nie pour sa part tout méfait.

Christie’s refuse tout commentair­e sur cette controvers­e. « Regardez ce tableau, c’est une oeuvre d’art extraordin­aire, c’est là-dessus qu’il faut se concentrer », assure son responsabl­e des tableaux anciens, François de Poortere.

Pour attirer les riches collection­neurs, le Salvator Mundi a voyagé à Hong Kong, Londres, New York et San Francisco — où les milliardai­res de la Silicon Valley ont «une connexion particuliè­re» avec l’inventeur qu’était Vinci, selon Erin McAndrew, responsabl­e de la communicat­ion chez Christie’s.

Pour accentuer encore l’«effet Vinci», Christie’s vendra le tableau aux côtés d’une oeuvre gigantesqu­e d’Andy Warhol, Sixty Last Suppers (« 60 cènes»).

Reproduisa­nt 60 fois la célèbre Cène du maître italien, elle est estimée à 50 millions de dollars.

Autre Warhol imposant de ces grandes ventes d’automne : une interpréta­tion des portraits officiels de Mao aux lèvres rouge vif, réalisée en 1972 après la visite du président américain Richard Nixon en Chine, évaluée entre 30 et 40 millions de dollars.

Ce Mao jamais exposé depuis 1973 sera l’une des stars jeudi chez Sotheby’s, avec également un triptyque de Francis Bacon de 1966, Three Studies of George Dyer, et 45 millions.

Pour ces ventes d’automne dont les recettes devraient dépasser largement le milliard de dollars, Christie’s et Sotheby’s se félicitent d’un marché « équilibré » entre l’Asie, l’Europe et les États-Unis, soutenu par une série d’oeuvres de renom sorties du circuit depuis des décennies.

Contraste de formes, une compositio­n abstraite de Fernand Léger de 1913 évaluée par Christie’s aux environs de 65 millions de dollars, sera l’une des vedettes lundi, avec le Laboureur dans un champ de Van Gogh, peint depuis la fenêtre du sanatorium de Saint-Rémy où séjournait le Hollandais en 1889, estimé à 50 millions.

Sans atteindre de tels montants, Les amoureux de Chagall, réalisé lors d’une période particuliè­rement heureuse du peintre de Vitebsk, est estimé entre 12 et 18 millions de dollars. Il n’a pas changé de mains depuis 1928.

« Le marché des Chagall n’est jamais monté très haut, car les maisons d’enchères n’arrivaient pas à mettre la main sur des tableaux vraiment fort,. mais, là, pour une fois, on en tient un», estime Grégoire Billault, viceprésid­ent de Sotheby’s.

Exceptionn­ellement, Sotheby’s a ajouté à ces ventes une voiture de course, une Ferrari qui remporta le Grand Prix de F1 de Monaco en 2001, avec Michael Schumacher au volant. Estimée entre 4 et 5 millions, elle sera adjugée jeudi.

« Ce n’est pas une oeuvre d’art», reconnaît Grégoire Billault, mais «on a tous grandi avec des voitures, rêvé de voitures, et j’ai pensé que ce serait bien de faire un petit clin d’oeil ». évalué entre 35

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TOLGA AKMEN AGENCE FRANCE-PRESSE Christie’s a estimé à 100 millions de dollars la valeur de la toile acquise par un milliardai­re russe pour 127,5 millions en 2013.

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