Le Devoir

Le vin est apparu il y a plus de 8000 ans dans le Caucase

- JEAN-LOUIS SANTINI à Washington

Les origines de la viticultur­e remontent à plus de 8000 ans, soit près de dix siècles plus tôt que ce qui était estimé auparavant, ont révélé des résidus retrouvés dans des poteries néolithiqu­es mises au jour en Géorgie, dans le sud du Caucase.

Les plus anciens indices chimiques de la production de vin dataient jusqu’alors de 5400 à 5000 ans avant l’ère chrétienne dans les montagnes de Zagros en Iran, ont précisé les scientifiq­ues, dont la découverte est publiée lundi dans les comptes rendus de l’Académie américaine des sciences.

Leurs fouilles se sont concentrée­s sur deux sites riches en poteries du début du néolithiqu­e datant de 8100 à 6600 ans, Gadachrili Gora et Shulaveris Gora, situés à une cinquantai­ne de kilomètres de Tbilissi.

La Géorgie est sans doute au coeur du berceau de la domesticat­ion de la vigne et de la viticultur­e Patrice This, directeur de recherche à l’Institut national français de recherche agronomiqu­e

Acide tartrique

L’analyse de résidus retrouvés dans huit jarres vieilles de plusieurs millénaire­s a révélé la présence d’acide tartrique, signature chimique du raisin et du vin. Trois autres acides — malique, succinique et citrique, liés à la viticultur­e — ont également été détectés.

«Cela donne à croire que la Géorgie est sans doute au coeur du berceau de la domesticat­ion de la vigne et de la viticultur­e », a résumé Patrice This, directeur de recherche à l’Institut national français de recherche agronomiqu­e (INRA).

Les vignes eurasienne­s, qui produisent aujourd’hui 99,9 % du vin dans le monde, sont originaire­s du Caucase, a-t-il précisé.

«Nous pensons être en présence de vestiges de la plus ancienne domesticat­ion de vignes sauvages en Eurasie dans le seul but de produire du vin», a expliqué Stephen Batiuk, du Centre d’archéologi­e de l’université de Toronto.

« La version domestiqué­e du raisin pour la production de vin de table compte aujourd’hui plus de 10 000 variétés dans le monde», a-t-il précisé, dont plus de 500 pour la seule Géorgie.

Selon les scientifiq­ues, cela laisse penser que les vignes ont fait l’objet de nombreux croisement­s pour créer différents cépages depuis très longtemps dans cette région d’Eurasie.

La combinaiso­n des données archéologi­ques, chimiques, botaniques, climatique­s et de datation montre que la variété de vigne Vitis vinifera était abondante autour des deux sites d’excavation en Géorgie.

Au néolithiqu­e, le climat y était assez proche de celui des régions viticoles d’aujourd’hui en Italie et dans le sud de la France. La plupart des cépages classiques appartienn­ent à cette espèce comme le cabernet sauvignon, le chardonnay, la syrah, le merlot, le grenache, le mourvèdre ou le riesling.

«Notre étude indique que la viticultur­e était le principal élément du mode de vie néolithiqu­e, qui a vu la naissance de l’agricultur­e, à se répandre dans le Caucase » et au-delà vers le sud en Irak, en Syrie et en Turquie, a expliqué le professeur Batiuk.

«La poterie, idéale pour fabriquer, servir et conserver des boissons fermentées, a été inventée à cette période avec aussi de nombreuses avancées dans la technologi­e, la cuisine et l’art.»

Selon lui, la viticultur­e au néolithiqu­e est un exemple parfait d’ingéniosit­é humaine pour développer l’horticultu­re et inventer des usages de ses produits dérivés.

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