Le Devoir

Le bilan de santé annuel est inutile

Une nouvelle étude démontre que les médecins devraient consacrer leur temps à soigner les malades plutôt qu’à examiner les bien-portants

- PAULINE GRAVEL

Une nouvelle étude le confirme: l’examen médical annuel est inutile et n’améliore pas la santé. Dans le but de décourager les omnipratic­iens de continuer à l’offrir à leurs patients, cet acte a d’ailleurs été aboli en 2016 et son équivalent est aujourd’hui moins payant pour les médecins.

Cette fois, c’est le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs qui, dans un article publié dans Le médecin de famille canadien, réclame l’abandon du bilan de santé annuel étant donné qu’il « n’aboutit pas à de meilleurs résultats de santé» et qu’il peut «mener au surdiagnos­tic » et «à des interventi­ons médicales inutiles qui peuvent même nuire au patient».

«Il n’y a pas de politique formelle affirmant qu’il faut ou ne faut pas procéder à des bilans annuels. Mais historique­ment, culturelle­ment et traditionn­ellement, de nombreux patients croient qu’ils doivent procéder à un bilan de santé chaque année, et plusieurs médecins pensent aussi que c’est une bonne idée. Pourtant, les études montrent qu’une telle pratique n’améliore pas la santé des gens et que ce serait beaucoup plus efficace si les patients consultaie­nt le médecin uniquement pour une raison particuliè­re, par exemple s’ils sont malades, s’ils souffrent d’une maladie chronique, comme le diabète, qui requiert un suivi, ou s’ils ont atteint un âge auquel on procède à un dépistage de prévention», précise Brett Thombs, de l’Université McGill, qui dirige le groupe d’étude canadien.

Mais l’examen médical annuel n’est-il pas de la prévention? «Nous privilégio­ns des mesures de prévention qui fonctionne­nt et qui ont fait l’objet d’études ayant montré qu’elles aidaient les patients », souligne le Dr Thombs, avant de donner des exemples qui ont fait leurs preuves, tels que la mammograph­ie chez les femmes de plus de 50 ans, le dépistage du cancer du col de l’utérus chez les femmes et de l’anévrisme de l’aorte abdominale chez les hommes âgés de 65 à 80 ans.

Le Dr Thombs fait également remarquer que, si les médecins omnipratic­iens ne faisaient plus ces examens annuels inutiles, ils seraient plus disponible­s pour les patients qui sont malades. «Notre recommanda­tion ne vise pas à réduire les coûts, mais plutôt à utiliser les ressources plus efficaceme­nt», dit-il.

«Il faut continuer d’éduquer le public», ajoutet-il, tout en rappelant le bon travail effectué par la campagne Choisir avec soin, qui vise à aider les cliniciens et les patients à se questionne­r sur la pertinence d’un traitement.

Selon le Dr Louis Godin, président-directeur général de la Fédération des médecins omnipratic­iens du Québec (FMOQ), la plupart des omnipratic­iens ont adapté leur pratique aux recommanda­tions formulées au cours des der-

L’examen de santé annuel peut conduire à des surdiagnos­tics

nières années allant dans les sens de celle qui est publiée aujourd’hui par le Groupe d’étude canadien, et ils font de moins en moins d’examens médicaux périodique­s.

En juin 2016, Québec a approuvé une nouvelle nomenclatu­re des actes en cabinet pour les médecins de famille. L’examen complet majeur, dont la rémunérati­on était de 80$, y a été aboli. La rémunérati­on de son équivalent, la visite de suivi d’un patient inscrit, est abaissée à 47 $.

«Plus il sortira d’études montrant que cet examen n’est pas vraiment nécessaire, plus les médecins seront nombreux à appliquer ces recommanda­tions, dit le Dr Godin. On ne rémunère plus à la même hauteur [ce qu’on appelait autrefois] l’examen médical périodique chez les gens en bonne santé afin de mettre plus d’insistance sur les examens effectués sur des gens qui sont malades, ou qui ont besoin d’un suivi régulier, ou encore qui ont des facteurs de risque bien déterminés. On a procédé à cette modificati­on afin de respecter les lignes directrice­s qui étaient émises par différente­s sociétés savantes », explique-t-il.

Le Dr Godin ajoute que sa fédération vient également de s’entendre avec le ministre de la Santé afin qu’une visite chez le médecin ne soit plus exigée pour confirmer l’inscriptio­n d’un patient en bonne santé auprès d’un médecin de famille. «On n’exigera plus une visite pour les inscrire quand on leur attribue un médecin. Il y aura une visite seulement quand ce sera médicaleme­nt requis afin de respecter ces recommanda­tions. Faire venir une jeune personne de 25 ans qui est en bonne santé, qui n’a pas de facteurs de risque identifiab­les et qui n’a pas d’histoire familiale qui le prédispose à une maladie particuliè­re, c’est faire perdre du temps à des patients et à des médecins », souligne-t-il.

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