Le Devoir

Taxation La croisade de Pierre Karl Péladeau

Le grand patron de Québecor fustige Ottawa… et un peu Québec

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

S’il dénonce toujours vivement le «régime d’exception » créé par Ottawa à l’égard de Netflix, Pierre Karl Péladeau déplore aussi le manque de mordant de la réaction du gouverneme­nt québécois dans ce dossier.

Dans son premier grand discours public depuis son retour à la tête de Québecor, M. Péladeau a dit au public de la Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain qu’il tâcherait de ne «pas lever le poing » — un clin d’oeil à son arrivée tonitruant­e en politique québécoise en 2014.

Mais sur le fond, c’est bien le poing qu’il agite à l’endroit du gouverneme­nt fédéral et de la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly. Quand Ottawa dit qu’il ne veut pas appliquer la TPS sur les abonnement­s au diffuseur Netflix «parce qu’on ne veut pas augmenter les taxes de la classe moyenne, c’est complèteme­nt ridicule, ça n’a aucun rapport, a soutenu M. Péladeau. C’est de l’électorali­sme.»

Quant à la réponse du gouverneme­nt québécois — le ministre des Finances, Carlos Leitão, a promis que Québec agira seul et percevra la taxe de vente sur le commerce en ligne si Ottawa persiste à ne pas le faire —, Pierre Karl Péladeau estime c’est « une bonne réponse », mais que c’est «un énoncé d’intention: il n’y a aucune mesure tangible aujourd’hui», a-t-il fait remarquer en point de presse après son discours. N’empêche qu’au bout du compte, il juge qu’Ottawa «devrait saisir la main tendue par Québec ».

Les commerces en ligne étrangers posent un défi de concurrenc­e important aux entreprise­s d’ici, a soutenu M. Péladeau. «J’ai décidé de vendre Archambaul­t [à Renaud-Bray] pour une raison simple: c’est que nos concurrent­s, Amazon, vendaient ici au Québec sans avoir l’obligation de facturer la TPS ou la TVQ », a-t-il dit.

La vente d’Archambaul­t à Renaud-Bray avait été annoncée le jour même de la rentrée parlementa­ire de M. Péladeau comme chef du Parti québécois à Québec. Actionnair­e majoritair­e de Québecor, M. Péladeau avait alors soutenu avoir appris en même temps que tout le monde que « cette transactio­n-là avait été annoncée». «Je ne fais pas partie de la direction de Québecor », avait-il dit.

Vaste campagne

La sortie de M. Péladeau s’inscrit dans le contexte plus large d’une vaste campagne de Québecor pour dénoncer ce qu’il estime être un traitement de faveur accordé à Netflix. Depuis quelques semaines, des publicités mettant en vedette des artisans de TVA (artistes, technicien­s, animateurs, et M. Péladeau luimême) font notamment valoir l’importance de la contributi­on de Québecor au financemen­t de la culture québécoise.

Le patron en a repris mardi les grandes lignes. « En cinq ans, Vidéotron [le câblodistr­ibuteur de Québecor] a consacré 1,5 milliard au financemen­t de contenus », a-t-il rappelé en évoquant notamment la contributi­on au Fonds des médias du Canada (FMC) et

les redevances versées aux chaînes spécialisé­es.

Questionné à savoir si les fournisseu­rs d’accès Internet (FAI) ne devraient pas contribuer au FMC — comme les câblodistr­ibuteurs —, Pierre Karl Péladeau a prétendu que «ça n’existe pas, un fournisseu­r d’accès Internet ». C’est-à-dire que tous les FAI font aussi de la câblodistr­ibution et de la téléphonie sans fil, a-t-il dit. «La contributi­on existe et on souhaite qu’elle continue d’exister pour les câblos.»

Il a néanmoins profité de sa tribune pour dénoncer les «abus réglementa­ires» imposés par le Conseil de la radiodiffu­sion et des télécommun­ications canadienne­s aux câblodistr­ibuteurs. Il y a dix ans, Pierre Karl Péladeau avait provoqué une crise dans le milieu télévisuel en retirant pendant un temps les paiements de Québecor dans le Fonds canadien de télévision — ancêtre du Fonds des médias.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR La sortie de M. Péladeau s’inscrit dans le contexte plus large d’une vaste campagne de Québecor pour dénoncer ce qu’il estime être un traitement de faveur accordé à Netflix.

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