Inégalités moins criantes au Canada qu’ailleurs
Des inégalités se creusent toutefois au sein des populations, souligne un rapport de l’OCDE
Le Canada fait un peu mieux que les autres parmi les pays développés où se creusent toutes sortes d’inégalités en matière de bienêtre, constate l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
À certains égards, les économies riches se sont maintenant largement remises de la Grande Récession, mais elles ont vu aussi certains de leurs problèmes s’aggraver, a rapporté mercredi l’OCDE lors de la mise à jour annuelle de la cinquantaine d’indicateurs économiques, sociaux et politiques de sa mesure du niveau de bien-être des populations. De plus, les moyennes nationales cachent des inégalités croissantes au sein des populations, et pas seulement en matière de revenus ou de richesse, mais aussi entre hommes et femmes, jeunes et vieux, plus et moins scolarisés ou encore natifs et migrants.
Par exemple, les revenus des ménages ont crû en moyenne de 7% depuis 2005, mais cela avait été deux fois plus au cours de la décennie précédente. La proportion de la population qui occupe un emploi a aussi augmenté en moyenne, alors que le nombre d’employés soumis à des horaires de travail excessifs a baissé, que l’espérance de vie a gagné deux années, que moins de gens disent avoir peur de marcher la nuit et que le nombre d’homicides a diminué. Le chômage à long terme a toutefois aussi augmenté, tout comme l’abordabilité du logement s’est dégradée, le sentiment d’insécurité des travailleurs a augmenté et les taux de participation aux élections ainsi que le sentiment de satisfaction des individus ont reculé.
«Ainsi, alors que les économies commencent à reprendre le rythme perdu durant la crise, on voit plusieurs personnes ne pas en ressentir les bénéfices dans plusieurs aspects de leur vie», note la chef statisticienne de l’OCDE, Martine Durand, en introduction du rapport de 460 pages.
Ce malaise est renforcé par le partage inégal des bénéfices de ces fameux progrès des dernières années le long de toutes sortes de lignes de fracture au sein des sociétés. Par exemple, les salaires et les conditions de travail sont ainsi
généralement moins bons pour les femmes, les jeunes, les personnes moins scolarisées ou les migrants que pour les autres. Ces inégalités entrent souvent en interaction. Ainsi, dit l’OCDE, le cinquième de la population le plus riche tend à se montrer plus satisfait de sa vie que le cinquième le plus pauvre, et ceux qui sont plus satisfaits se révèlent souvent aussi les plus en santé.
«Le bien-être ne peut pas prospérer dans des sociétés divisées», dit Martine Durand. Or, « il y a un sentiment de division grandissante au sein de plusieurs pays de l’OCDE », estime la responsable d’une enquête qui en est à sa sixième année.
Aller au-delà du PIB
Les experts de l’OCDE ne sont pas les seuls à essayer de perfectionner des outils de mesure du bien-être qui vont au-delà des statistiques habituelles sur le produit intérieur brut ou le taux de chômage. Leur méthode de mesure du bien-être actuel des populations se penche sur onze facteurs, allant de la richesse à la santé, en passant par l’éducation, les liens sociaux, la qualité de l’environnement, la sécurité personnelle et le sentiment subjectif de bien-être. Ils y ajoutent un examen des ressources permettant d’assurer le «bien-être futur» portant sur quatre autres facteurs (les actifs naturels, humains, économiques et sociaux) mesurés eux-mêmes par trente autres indicateurs.
À ce chapitre, on se félicite par exemple cette année de la baisse des émissions de gaz à effet de serre par habitant, de la diminution du nombre de fumeurs et de la hausse des investissements en recherche et développement, mais on déplore l’accélération de l’endettement des ménages et des gouvernements, l’aggravation des problèmes d’obésité et la chute de confiance dans les gouvernements.
Très bon, mais pourrait faire mieux
Le Canada fait généralement mieux que la moyenne des pays de l’OCDE dans la plupart des différents indicateurs considérés, souligne-ton. La richesse nette des ménages, le taux d’emploi, la qualité de l’air et de l’eau ainsi que les sentiments de sécurité et de satisfaction dans la vie y sont plus élevés que dans la majorité des 33 autres pays membres du club des pays riches. Le revenu disponible des ménages y a crû trois fois plus vite que la moyenne des dix dernières années. Le niveau d’insécurité du marché du travail et le chômage prolongé ont toutefois augmenté, alors que reculait la proportion de Canadiens disant pouvoir compter sur un parent ou un ami en cas de besoin.
En matière d’inégalités, le Canada fait mieux aussi que les autres en ce qui a trait notamment au revenu des ménages, au taux d’emploi ou au temps de loisir. Il fait cependant moins bien en ce qui concerne entre autres les salaires, l’entretien des compétences à l’âge adulte et le sentiment de satisfaction face à la vie.
L’un des effets de la montée des inégalités est de miner la confiance dans la démocratie et les institutions censées servir le public, prévient l’OCDE. On se réjouit, de ce point de vue, de la hausse du taux de participation aux dernières élections nationales (68 %) et de voir que «seulement» 38% des Canadiens estiment que la corruption est répandue au gouvernement, contre une moyenne de 56 % dans l’OCDE.