Le Devoir

Inégalités moins criantes au Canada qu’ailleurs

Des inégalités se creusent toutefois au sein des population­s, souligne un rapport de l’OCDE

- ÉRIC DESROSIERS

Le Canada fait un peu mieux que les autres parmi les pays développés où se creusent toutes sortes d’inégalités en matière de bienêtre, constate l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (OCDE).

À certains égards, les économies riches se sont maintenant largement remises de la Grande Récession, mais elles ont vu aussi certains de leurs problèmes s’aggraver, a rapporté mercredi l’OCDE lors de la mise à jour annuelle de la cinquantai­ne d’indicateur­s économique­s, sociaux et politiques de sa mesure du niveau de bien-être des population­s. De plus, les moyennes nationales cachent des inégalités croissante­s au sein des population­s, et pas seulement en matière de revenus ou de richesse, mais aussi entre hommes et femmes, jeunes et vieux, plus et moins scolarisés ou encore natifs et migrants.

Par exemple, les revenus des ménages ont crû en moyenne de 7% depuis 2005, mais cela avait été deux fois plus au cours de la décennie précédente. La proportion de la population qui occupe un emploi a aussi augmenté en moyenne, alors que le nombre d’employés soumis à des horaires de travail excessifs a baissé, que l’espérance de vie a gagné deux années, que moins de gens disent avoir peur de marcher la nuit et que le nombre d’homicides a diminué. Le chômage à long terme a toutefois aussi augmenté, tout comme l’abordabili­té du logement s’est dégradée, le sentiment d’insécurité des travailleu­rs a augmenté et les taux de participat­ion aux élections ainsi que le sentiment de satisfacti­on des individus ont reculé.

«Ainsi, alors que les économies commencent à reprendre le rythme perdu durant la crise, on voit plusieurs personnes ne pas en ressentir les bénéfices dans plusieurs aspects de leur vie», note la chef statistici­enne de l’OCDE, Martine Durand, en introducti­on du rapport de 460 pages.

Ce malaise est renforcé par le partage inégal des bénéfices de ces fameux progrès des dernières années le long de toutes sortes de lignes de fracture au sein des sociétés. Par exemple, les salaires et les conditions de travail sont ainsi

généraleme­nt moins bons pour les femmes, les jeunes, les personnes moins scolarisée­s ou les migrants que pour les autres. Ces inégalités entrent souvent en interactio­n. Ainsi, dit l’OCDE, le cinquième de la population le plus riche tend à se montrer plus satisfait de sa vie que le cinquième le plus pauvre, et ceux qui sont plus satisfaits se révèlent souvent aussi les plus en santé.

«Le bien-être ne peut pas prospérer dans des sociétés divisées», dit Martine Durand. Or, « il y a un sentiment de division grandissan­te au sein de plusieurs pays de l’OCDE », estime la responsabl­e d’une enquête qui en est à sa sixième année.

Aller au-delà du PIB

Les experts de l’OCDE ne sont pas les seuls à essayer de perfection­ner des outils de mesure du bien-être qui vont au-delà des statistiqu­es habituelle­s sur le produit intérieur brut ou le taux de chômage. Leur méthode de mesure du bien-être actuel des population­s se penche sur onze facteurs, allant de la richesse à la santé, en passant par l’éducation, les liens sociaux, la qualité de l’environnem­ent, la sécurité personnell­e et le sentiment subjectif de bien-être. Ils y ajoutent un examen des ressources permettant d’assurer le «bien-être futur» portant sur quatre autres facteurs (les actifs naturels, humains, économique­s et sociaux) mesurés eux-mêmes par trente autres indicateur­s.

À ce chapitre, on se félicite par exemple cette année de la baisse des émissions de gaz à effet de serre par habitant, de la diminution du nombre de fumeurs et de la hausse des investisse­ments en recherche et développem­ent, mais on déplore l’accélérati­on de l’endettemen­t des ménages et des gouverneme­nts, l’aggravatio­n des problèmes d’obésité et la chute de confiance dans les gouverneme­nts.

Très bon, mais pourrait faire mieux

Le Canada fait généraleme­nt mieux que la moyenne des pays de l’OCDE dans la plupart des différents indicateur­s considérés, souligne-ton. La richesse nette des ménages, le taux d’emploi, la qualité de l’air et de l’eau ainsi que les sentiments de sécurité et de satisfacti­on dans la vie y sont plus élevés que dans la majorité des 33 autres pays membres du club des pays riches. Le revenu disponible des ménages y a crû trois fois plus vite que la moyenne des dix dernières années. Le niveau d’insécurité du marché du travail et le chômage prolongé ont toutefois augmenté, alors que reculait la proportion de Canadiens disant pouvoir compter sur un parent ou un ami en cas de besoin.

En matière d’inégalités, le Canada fait mieux aussi que les autres en ce qui a trait notamment au revenu des ménages, au taux d’emploi ou au temps de loisir. Il fait cependant moins bien en ce qui concerne entre autres les salaires, l’entretien des compétence­s à l’âge adulte et le sentiment de satisfacti­on face à la vie.

L’un des effets de la montée des inégalités est de miner la confiance dans la démocratie et les institutio­ns censées servir le public, prévient l’OCDE. On se réjouit, de ce point de vue, de la hausse du taux de participat­ion aux dernières élections nationales (68 %) et de voir que «seulement» 38% des Canadiens estiment que la corruption est répandue au gouverneme­nt, contre une moyenne de 56 % dans l’OCDE.

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ISTOCK Les salaires et les conditions de travail sont ainsi généraleme­nt moins bons pour les femmes, les jeunes, les personnes moins scolarisée­s ou les migrants que pour les autres.

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