Boeing doute de la ligne d’assemblage en Alabama
Quel que soit le scénario, Washington devrait imposer des droits aux appareils CSeries, selon l’entreprise
Il est «extrêmement improbable» qu’Airbus et Bombardier construisent un jour une ligne d’assemblage de la famille CSeries en Alabama, car une telle stratégie «n’aurait aucun sens économique », affirme Boeing dans un document déposé à Washington.
Boeing, qui allègue que Bombardier a bénéficié d’appuis gouvernementaux pour vendre des avions au rabais au transporteur Delta, a profité d’une demande d’avis de Washington au sujet de l’entente Airbus-Bombardier pour répéter qu’il s’agit selon elle d’une tactique pour éviter d’éventuelles pénalités à la frontière.
Dans la foulée de l’entente annoncée le 16 octobre par Bombardier et Airbus, qui a pris le contrôle du programme CSeries en échange de son savoir-faire en vente et en entretien, le département du Commerce américain a demandé aux parties prenantes de son enquête de se prononcer.
«La seule raison d’effectuer toute forme d’assemblage aux États-Unis serait de tenter de contourner les droits compensateurs et antidumping qui découlent des enquêtes, a écrit Boeing dans sa réponse transmise lundi au secrétaire du Commerce, Wilbur Ross. Mais même comme méthode de contournement, ceci est voué à l’échec. Bombardier importerait des avions CSeries assemblés en totalité ou en partie aux États-Unis, ces deux cas se situant à l’intérieur des balises des enquêtes.»
Les enquêtes de Washington ont commencé cet été à la suite d’une plainte de Boeing déposée en avril 2017. Le département du Commerce a annoncé à la fin de septembre et au début d’octobre des droits compensateurs et antidumping d’environ 300%, ce qui quadruplerait le prix des appareils éventuellement livrés à Delta. Ces décisions sont préliminaires.
Contenu américain
Bombardier a déjà affirmé que plus de la moitié des pièces utilisées pour l’assemblage des avions CSeries à Mirabel proviennent de fournisseurs américains. Lors d’une récente conférence téléphonique avec des analystes, son président, Alain Bellemare, a dit qu’ils en contenaient plus que les avions 787 de Boeing.
Quand Airbus a indiqué qu’elle agrandirait ses installations de Mobile, en Alabama, pour y assembler des appareils CSeries, plusieurs y ont vu un potentiel coup dur à l’argumentaire de Boeing.
Selon Boeing, Bombardier et la Société en commandite Avions CSeries (SCACS) « n’ont pas assez de commandes pour les appareils CSeries afin de maintenir une pleine production à Mirabel» dans un avenir prévisible.
La transaction proposée entre Airbus et Bombardier ne devrait être finalisée que dans la deuxième moitié de 2018, a ajouté la société basée à Seattle. «Même rendus là, nous ne connaîtrons pas la nature ou l’ampleur des travaux […] qui pourraient être effectués à Mobile. Il faudrait des années pour mettre en oeuvre cette décision. […] La coentreprise et les plans théoriques pour l’Alabama ne sont pas pertinents aux enquêtes.»
Le marché américain est particulièrement intéressant pour la CSeries, un appareil monocouloir de 100 à 150 sièges présenté comme plus économique, sophistiqué et silencieux. La commande de Delta, annoncée au début de 2016, porte sur 75 avions CS100, une transaction potentielle de 5,6 milliards $US, selon le prix affiché. Elle comprend aussi une option sur 50 avions CS100 ou CS300 supplémentaires.
Delta est d’avis que la plainte de Boeing ne tient pas la route, car l’entreprise de Seattle n’avait aucun avion à proposer dans la taille d’appareils que cherchait Delta. De plus, aucun avion n’a été importé et livré à ce jour, a indiqué Delta dans un document déposé à Washington lundi.
But de l’enquête
De son côté, Bombardier a fait valoir lundi que la période visée par l’enquête de Washington se situait avant l’annonce avec Airbus. Il serait donc illogique que le département du Commerce en tienne compte dans le cadre d’une décision définitive sur les droits compensateurs et antidumping, selon Bombardier.
Ces deux décisions définitives sont attendues le mois prochain.