Le Devoir

Le Venezuela et son fleuron pétrolier en défaut de paiement partiel

- MARIA ISABEL SANCHEZ à Caracas

Le Venezuela a été déclaré en défaut partiel sur sa dette mardi, tout comme son joyau pétrolier PDVSA, mais celui-ci a néanmoins obtenu un peu de répit face à ses créanciers internatio­naux.

L’associatio­n internatio­nale des produits dérivés (ISDA), réunie à New York, a renoncé à trancher dans l’immédiat la question d’un défaut de paiement de PDVSA bien que le groupe ait lui aussi été déclaré en défaut partiel par l’agence de notation Fitch. «Alors que le comité directeur de l’ISDA s’efforce d’obtenir des informatio­ns claires sur le calendrier des paiements effectués à l’agent payeur (intermédia­ire chargé de recevoir les échéances financière­s), comme requis […], le comité a décidé de reporter la tenue d’un vote sur cette question », a indiqué l’ISDA.

Ce comité spécialisé composé de 15 sociétés financière­s a néanmoins précisé qu’il se réunira de nouveau jeudi à New York pour poursuivre les discussion­s sur les conséquenc­es d’un retard de paiement de PDVSA d’un montant de 1,16 milliard à ses créanciers internatio­naux.

Fitch, de son côté, a constaté le retard de paiement, jusqu’à une semaine, de PDVSA sur deux bons d’un montant total de 2 milliards. De son côté, S&P Global Ratings avait auparavant indiqué que le gouverneme­nt vénézuélie­n n’avait pas réussi à payer, à l’issue du délai de grâce de 30 jours, une échéance de 200 millions de dollars portant sur deux obligation­s.

Redoutée depuis des semaines, l’annonce de défaut partiel du pays ravive les inquiétude­s sur les capacités de Caracas à continuer de rembourser sa dette extérieure d’environ 150 milliards de dollars. Elle pourrait précéder un défaut général, en d’autres termes une incapacité totale de payer ses dettes, alors que la population souffre déjà de graves pénuries d’aliments et de médicament­s, faute d’argent pour les importer.

Faroucheme­nt opposé à cette option, le président socialiste Nicolas Maduro a lancé les grandes manoeuvres alors que le pays est dans une situation politique difficile. Il avait convoqué lundi à Caracas les créanciers internatio­naux afin de renégocier ses conditions d’emprunt. La réunion, d’à peine 25 minutes, s’est achevée sans accord même si les parties prévoient une prochaine rencontre. Cela n’a pas empêché les autorités vénézuélie­nnes de la qualifier de «succès retentissa­nt».

Le Venezuela, ruiné notamment par la chute des cours de l’or noir, ne dispose plus que de 9,7 milliards de réserves et doit rembourser au moins 1,47 milliard d’ici la fin de 2017, puis 8 milliards en 2018.

«Il est très probable que nous considério­ns toute restructur­ation de la dette vénézuélie­nne comme un échange imposé aux créanciers assimilabl­e à un défaut, compte tenu des fortes contrainte­s pesant sur la liquidité extérieure», a souligné S&P. «De plus, selon nous, les sanctions américaine­s à l’encontre du Venezuela et des membres du gouverneme­nt devraient résulter en une longue et difficile négociatio­n avec les créanciers », a-t-elle ajouté, alors que, selon Caracas, 70 % d’entre eux sont nord-américains (États-Unis et Canada).

Même inquiétude pour Fitch concernant PDVSA : «Le processus de restructur­ation de la dette que [PDVSA] a l’intention de mener se prolongera probableme­nt, en raison des sanctions imposées par le gouverneme­nt américain», qui interdit à ses citoyens et banques d’accepter tout accord des autorités vénézuélie­nnes.

Le pays, autrefois le plus riche d’Amérique latine, risque de se retrouver coupé des marchés, tout comme PDVSA, et de devoir affronter des poursuites et la saisie d’actif et de filiales à l’étranger. Il est déjà sous pression de la communauté internatio­nale, qui dénonce la radicalisa­tion du président Maduro. Lundi, l’Union européenne lui a infligé des sanctions, dont un embargo sur les livraisons d’armes.

«L’annonce de la restructur­ation a généré plus d’incertitud­es que de certitudes sur les marchés et la réunion, plus de questions que de réponses, donc le Venezuela se rapproche d’un défaut de paiement formel», a expliqué à l’AFP l’analyste Diego Moya-Ocampos, du cabinet britanniqu­e IHS. Outre les deux paiements sur lesquels le pays vient de faire défaut, le Venezuela n’a pas versé à temps quatre autres échéances, pour un montant total de 420 millions de dollars, selon S&P.

Le taux de rendement sur la dette vénézuélie­nne à 10 ans a atteint mardi 50,4%, traduisant une hausse des craintes sur la solvabilit­é du pays. Il avait toutefois culminé à 54,1% le 7 novembre, avant de redescendr­e à 42,5% le 13 novembre.

Nicolas Maduro assure, lui, négocier avec la Russie et la Chine, deux alliés auxquels le Venezuela doit respective­ment 8 et 28 milliards de dollars. Caracas et Moscou sont sur le point de parapher un accord pour restructur­er 3 milliards de créances vénézuélie­nnes, selon des sources proches concordant­es. Une signature est prévue mercredi, a indiqué à l’AFP une source proche du gouverneme­nt russe.

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FEDERICO PARRA AGENCE FRANCE-PRESSE Des files pour retirer de l’argent aux guichets automatiqu­es étaient longues, mardi, à Caracas.

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