Le Devoir

Le gouverneme­nt défend sa loi en cour une première fois

L’argumentai­re de Québec est rejeté en bloc par les plaignants

- MARIE-LISE ROUSSEAU

La controvers­ée loi sur la neutralité religieuse ne cause pas préjudice aux femmes qui portent le niqab, puisque celles-ci ont droit aux mêmes accommodem­ents raisonnabl­es qu’avant son entrée en vigueur.

C’est ce qu’a plaidé vendredi le procureur général du gouverneme­nt Couillard au palais de justice de Montréal, lors de l’audience de demande de sursis concernant l’article de la loi qui oblige à donner et à recevoir des services publics à visage découvert.

Cet argument a été récusé par les plaignants.

La loi est contestée en Cour supérieure par le Conseil national des musulmans, l’Associatio­n canadienne des libertés civiles et la citoyenne Marie-Michelle Lacoste.

Les plaignants estiment qu’elle fait entorse à la liberté de religion garantie dans les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés, puisqu’elle s’applique à plusieurs situations du quotidien.

Les parties ont été entendues pour la première fois en cour vendredi devant le juge Babak Barin, qui a pris la demande de sursis en délibéré. Le magistrat n’a pas précisé quand il rendra sa décision.

Accommodem­ents raisonnabl­es

Selon Me Éric Cantin, avocat du procureur, nul besoin de suspendre l’article 10, puisque la jurisprude­nce des dernières années concernant les accommodem­ents raisonnabl­es s’applique à la loi dans sa forme actuelle.

Selon lui, les préjudices que ressentent les femmes citées par la poursuite sont liés à leurs craintes et « ne découlent pas de la loi elle-même». «Ces femmes sont donc en mesure d’obtenir des services et de respecter les lois », estime-t-il.

Ces propos n’ont pas plu à Mme Lacoste. «Il ne connaît pas de quoi il parle. Je l’invite à rentrer dans mes souliers pendant une semaine», a commenté la plaignante à sa sortie de la salle d’audience.

Me Cantin a également soutenu que, conforméme­nt aux principes de droit, une loi adoptée par la majorité des élus est dans l’intérêt public.

Il argue que la preuve de la poursuite est «extrêmemen­t incomplète», donc qu’elle ne justifie pas la demande de sursis. Un point sur lequel le juge Barin a questionné l’avocat à plusieurs reprises durant son plaidoyer. «Au stade de sursis, personne n’a de preuve concrète », a souligné le magistrat.

Argumentai­re démenti

Il est faux de prétendre que les femmes visées par la loi 62 ne vivent pas de préjudice, a répliqué l’avocate de la poursuite, Me Catherine McKenzie, qui a vertement contesté le plaidoyer de la défense. L’avocate a cité un extrait du texte de la loi, qui indique que les services publics au Québec doivent être donnés et reçus à visage découvert «en tout temps».

«Je ne vois pas comment on peut accommoder ça», a-t-elle déclaré au juge.

En réponse à Me Cantin, qui a mentionné lors de son plaidoyer qu’aucun cas de nonconform­ité à la loi n’a encore été répertorié, Me McKenzie a dit qu’il fallait justement prévenir les futurs incidents. «Si [le gouverneme­nt] ne veut pas que la loi s’applique, qu’il la retire ! » s’est-elle exclamée.

L’avocate a ajouté que le principe d’intérêt public soulevé par le procureur ne s’applique pas à tout prix.

«Quand le législateu­r va trop loin, il y a un remède: demander un sursis. » Sous sa forme actuelle, la loi donne une prépondéra­nce aux inconvénie­nts que subissent les femmes visées par les mesures, a-t-elle plaidé.

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RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE Représenté­e par Me Catherine McKenzie, Marie-Michelle Lacoste estime que la loi québécoise fait entorse à la liberté de religion garantie dans les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés.

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