Le Devoir

Mugabe s’entête malgré les appels à sa démission

- SUSAN NJANJI à Harare

Après les anciens combattant­s, l’opposition et la société civile, les sections régionales du parti au pouvoir au Zimbabwe ont à une écrasante majorité exigé vendredi la démission du président Robert Mugabe, déterminé à rester au pouvoir qu’il détient depuis 1980.

Huit des dix sections régionales de la Zanu-PF au pouvoir ont exigé la démission de Mugabe, la plupart unanimemen­t, selon leurs responsabl­es qui sont apparus à la télévision d’État dans la soirée.

Cet appel à quitter le pouvoir accentue la pression sur Mugabe après celui des anciens combattant­s de la guerre d’indépendan­ce, jusqu’alors proches du chef de l’État, mais qui n’acceptent pas que son épouse, Grace Mugabe, veuille s’imposer pour lui succéder. Ils ont appelé à un grand rassemblem­ent ce samedi à Harare pour exiger son départ.

Mais le président s’accroche au pouvoir, et des négociatio­ns étaient en cours à Harare pour le pousser vers la sortie dans des conditions acceptable­s pour lui.

En principe assigné à résidence à son domicile, le chef de l’État de 93 ans a fait vendredi sa première apparition publique depuis le coup de force des militaires il y a deux jours. Revêtu d’une toge bleu roi et d’une coiffe assortie, il a présidé sous bonne escorte une cérémonie de remise de diplômes dans une université d’Harare, somnolant à l’écoute de plusieurs discours.

Finir le travail de l’armée

L’armée est intervenue dans la nuit de mardi à mercredi en soutien au vice-président Emmerson Mnangagwa, limogé la semaine dernière par le chef de l’État à la suite d’une intense campagne de Grace Mugabe. Depuis plusieurs mois, elle briguait ouvertemen­t la succession de son mari à la santé de plus en plus fragile.

M. Mnangagwa, lui aussi prétendant au trône du « camarade Bob» avec le soutien d’une partie de l’appareil sécuritair­e du pays, constituai­t le principal obstacle à ses ambitions.

Ayant fui le pays après sa disgrâce, l’ancien vice-président est rentré jeudi au Zimbabwe. Son nom circule avec insistance pour diriger la transition qui pourrait s’ouvrir en cas de départ anticipé de M. Mugabe, dont le mandat en cours arrive à son terme l’an prochain.

Jeudi, le chef de l’État a toutefois catégoriqu­ement rejeté ce scénario dans un premier entretien avec le chef d’étatmajor de l’armée, le général Constantin­o Chiwenga.

«Il a refusé de démissionn­er, je pense qu’il essaie de gagner du temps», a déclaré à l’AFP une source militaire.

Dans un communiqué publié vendredi par les médias d’État, les généraux se sont bornés à indiquer que les négociatio­ns avec le président «sur la prochaine étape» se poursuivai­ent.

Mais les appels au départ immédiat du président se multiplien­t. Avant ceux des sections régionales de la Zanu-PF, c’est l’influent chef des anciens combattant­s de la guerre d’indépendan­ce, Christophe­r Mutsvangwa, qui a lancé un ultimatum à Robert Mugabe.

«La partie est finie […] il doit démissionn­er», a-t-il déclaré. Il a aussi appelé la population à se rassembler ce samedi à Harare pour soutenir les militaires. « Nous pouvons finir le travail commencé par l’armée », a-t-il assuré.

«Une nuisance»

Les principale­s voix de l’opposition et de la société civile ont elles aussi exigé le départ de Robert Mugabe, l’ouverture d’une période de transition et la tenue rapide d’élections.

Dans les rues d’Harare, de nombreux Zimbabwéen­s espèrent désormais la fin rapide de l’ère Mugabe.

«Je l’ai vu aujourd’hui à la cérémonie de diplômes. Il est têtu », a regretté Matthew Chakanetsa, un chauffeur de taxi de 35 ans. «Cette fois, même si ça se termine en bain de sang, tant pis! Ce type est vraiment une nuisance. »

Dans les rues de la capitale, l’activité s’est poursuivie comme si de rien n’était, vendredi, si ce n’est la présence de barrages militaires autour du parlement ou de la Cour suprême.

L’armée zimbabwéen­ne a annoncé avoir procédé à plusieurs arrestatio­ns parmi les proches de M. Mugabe et de son épouse et appelé «la nation à rester patiente et pacifique le temps» de mener à bien son «opération».

La communauté internatio­nale a continué à plaider vendredi pour un retour à l’ordre constituti­onnel au Zimbabwe. Sans se prononcer sur le sort à réserver à Robert Mugabe.

 ?? TSVANGIRAY­I MUKWAZHI ASSOCIATED PRESS ?? Le président zimbabwéen Robert Mugabe (au centre) a refait surface en public vendredi, pour la première fois depuis que l’armée a pris le contrôle du pays. Il a assisté à une cérémonie de remise de diplômes universita­ires en compagnie de ses gardes du...
TSVANGIRAY­I MUKWAZHI ASSOCIATED PRESS Le président zimbabwéen Robert Mugabe (au centre) a refait surface en public vendredi, pour la première fois depuis que l’armée a pris le contrôle du pays. Il a assisté à une cérémonie de remise de diplômes universita­ires en compagnie de ses gardes du...

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