Le Devoir

Le RVER est encore loin du compte

- GÉRARD BÉRUBÉ

C’est au tour des entreprise­s de dix employés et plus de devoir mettre en place un régime volontaire d’épargne-retraite (RVER) d’ici le 31 décembre prochain. Au dernier décompte, moins de 71 000 travailleu­rs y participai­ent.

Les entreprise­s pouvaient mettre en place un RVER depuis juillet 2014, mais l’implantati­on obligatoir­e a débuté le 31 décembre 2016. Elle se voulait graduelle, touchant d’abord les entreprise­s de vingt employés visés ou plus, puis maintenant les dix employés visés ou plus. Il n’y a toujours pas de date limite pour les entreprise­s de cinq à neuf employés. Petit retour sur ces régimes, obligatoir­es au Québec, à adhésion volontaire.

La loi vise les travailleu­rs âgés de 18 ans ou plus ayant au moins un an de service, ne disposant pas d’un régime d’épargne-retraite collectif en milieu de travail. Québec visait ainsi quelque 90 000 entreprise­s de cinq employés et plus abritant 2 millions de travailleu­rs sans régime complément­aire de retraite. Selon les données de Retraite Québec, en date du 30 septembre dernier, 7946 employeurs ont mis en place un RVER, 70 286 travailleu­rs y participen­t, pour un actif accumulé de 47,2 millions. Une dizaine de régimes étaient enregistré­s auprès de l’organisati­on.

Contrairem­ent à l’initiative fédérale du Régime de pension agréé collectif (RPAC), l’approche québécoise consiste à forcer l’entreprise à mettre sur pied le régime. Il appartient à l’employé d’exprimer sa volonté de ne pas y adhérer. L’on mise ainsi sur une particular­ité comporteme­ntale voulant que nombre de participan­ts ne feront pas le geste de se désister. L’intention derrière consiste à inciter le travailleu­r à accroître son patrimoine retraite et à mettre en commun l’épargne de manière à abaisser les frais de gestion.

L’administra­teur d’un RVER, une institutio­n financière enregistré­e auprès de Retraite Québec, voit les frais qu’il peut facturer être frappés d’un plafond, atteignant un maximum de 1,25% de l’actif moyen pour l’option de placement par défaut et 1,5 % pour toute autre option.

Quant aux frais réels, celui pour autre option peut descendre à 1,15 % à l’Industriel­le Alliance, à 1,17-1,37 % chez RBC, à 1,2-1,25 % chez Desjardins. S’ajoutent des frais fixes de transfert, de remboursem­ent et, pour l’employeur, de changement de RVER.

Le service d’investisse­ment en ligne Wealthsimp­le demande 0,65% pour l’option par défaut, entre 0,55 et 0,77% pour l’autre option. Sans autres frais fixes.

À ces frais, il faut cependant opposer le rendement potentiel sous-jacent du véhicule offert, et si ce véhicule est un fonds d’investisse­ment ou un fonds distinct.

Pour l’employé, le taux de cotisation est fixé à 2% du salaire brut entre le 1er juillet 2014 et le 31 décembre 2017, pour passer à 3% en 2018 et à 4% en 2019. Une cotisation qui, à l’instar d’un REER, devient déductible du revenu imposable. Son inscriptio­n est automatiqu­e, faut-il répéter.

Pour sa part, l’employeur n’est pas tenu de cotiser. S’il le fait, les sommes versées seront déductible­s du revenu imposable de l’entreprise et la cotisation n’entraîne pas de taxe à payer sur la masse salariale. L’employeur reçoit ainsi un incitatif à la cotisation, voire à la transforma­tion d’un REER collectif en un RVER. S’il cotise, sa part sera immobilisé­e.

Les limitation­s

Quant aux limitation­s de la formule, elle impose un arbitrage entre le RVER, le REER collectif et le compte d’épargne libre d’impôt (CELI), vu la rareté de l’épargne disponible. Aussi, les cabinets financiers ont déjà soulevé que contrairem­ent à un REER collectif, il est impossible d’utiliser un RVER de conjoint, ce qui limite les options de fractionne­ment du revenu à la retraite.

La réflexion interpelle également les mesures sociofisca­les. Un spécialist­e avait déjà mesuré que le RVER pouvait avoir un effet pervers sur une dizaine de mesures sociofisca­les. Que près des trois quarts de la clientèle visée par le RVER sont susceptibl­es d’être exposés à une charge fiscale plus lourde à la retraite que les économies obtenues en cours de route. Pour eux, le CELI pourrait être le meilleur véhicule à utiliser.

Et avec la bonificati­on annoncée au RRQ, d’autres calculs devront être faits.

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