Le Devoir

Chauffeur, un métier du passé?

- ANNABELLE CAILLOU

En phase d’essais à travers le monde, les camions, autobus et voitures autonomes promettent de chambouler à terme le milieu du transport. Difficile de prévoir quand ces véhicules intelligen­ts rouleront sur les routes du Québec, mais les experts assurent qu’une majorité des métiers du secteur en pâtiront, les chauffeurs en première ligne.

Les camionneur­s seront les premiers à passer à la trappe, d’après Nicolas Saunier, professeur à Polytechni­que Montréal. «Ça va aller vite, les questions d’éthique et de sécurité se poseront moins, vu qu’on transporte des marchandis­es et non des humains. »

Les tests de camions autonomes se multiplien­t depuis 2015 : les fabricants se lancent un à un dans la course, mais aussi de nouveaux venus sur le marché du transport, tels Waymo — une filiale de Google —, Uber ou encore Tesla. L’entreprise américaine Otto a réalisé en octobre 2016 pour le compte de Budweiser la première livraison par camion sans conducteur.

Denis Gingras, directeur du Laboratoir­e d’intelligen­ce véhiculair­e, parie plutôt sur les chauffeurs de taxi. Forcée de s’adapter aux nouvelles technologi­es pour tenir tête à Uber — qui a déjà lancé des taxis sans chauffeur l’an dernier à Pittsburgh —, l’industrie n’est pas au bout de ses peines.

Des ordinateur­s sur quatre roues

D’une façon moindre, d’autres emplois du secteur, liés à la chaîne d’entretien, à la réparation et à la vente des automobile­s, seront aussi appelés à changer, d’après M. Gingras. « Les garagistes ne feront plus de la mécanique comme maintenant, mais ils feront face à des ordinateur­s sur quatre roues. Ça demandera des spécialist­es, des connaissan­ces plus poussées. »

Ils seront aussi moins nombreux, pense Nicolas Saunier. «Les voitures autonomes, plus performant­es, ne seront pas impliquées dans des accidents et moins nombreuses, car partagées.» Concession­naires, compagnies de location, écoles de conduite et policiers affectés aux contrôles routiers connaîtron­t le même sort. Une période de transition sera nécessaire, estiment les experts. «On parle de décennies plus que d’années, le temps de régler toutes les problémati­ques techniques et éthiques », note M. Gingras.

Gérer la sécurité

Cette période dépendra de la réaction de la population. «Est-ce que les gens voudront garder une présence humaine pour se rassurer? On l’a vu avec les opérateurs d’ascenseur, rappelle M. Saulnier, restés en place plusieurs années même après leur automatisa­tion. »

«Pour le moment, aucune technologi­e ne peut remplacer la vigilance des chauffeurs pour conduire les véhicules et veiller à la sécurité des usagers», croit Renato Carlone, président du syndicat des chauffeurs d’autobus de la STM.

Même son de cloche chez le syndicat des Teamsters. «C’est une chose de faire un essai de camion autonome sur une belle route des ÉtatsUnis dans de bonnes conditions climatique­s.

C’en est une autre de le faire dans une tempête de neige, sur des routes maganées entre Montréal et l’Abitibi», nuance le porte-parole des 5500 camionneur­s du Québec, Stéphane Lacroix.

En milieu urbain, il doute que les véhicules autonomes soient de meilleurs conducteur­s que les humains. «Il y a tellement de variables en ville. Ça nous apparaît presque farfelu de penser d’implanter une technologi­e d’automatisa­tion complète dans le transport routier.»

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