Le Devoir

Vers une société aseptisée ?

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Parmi le déluge de scandales qui marquent l’actualité ces jours-ci, l’affaire Sicotte soulève des enjeux particuliè­rement intéressan­ts. Les faits reprochés à Gilbert Sicotte marquent très clairement le passage des génération­s. Ce qui était accepté il y a 20 ou 30 ans ne passe tout simplement plus. Il n’est plus accepté, socialemen­t, d’humilier qui que ce soit en public, surtout quand il y a un rapport hiérarchiq­ue entre les personnes concernées. Contrairem­ent à ce qu’on a vu à propos des scandales de nature sexuelle, on observe toutefois ici un désir de nuance chez les intervenan­ts, qui ne cachent pas une certaine sympathie pour ce professeur et comédien émérite. Là où personne n’oserait prendre la défense d’un Gilbert Rozon ou d’un Harvey Weinstein (sauf Woody), quelques voix s’élèvent pour expliquer, timidement, que la vie en société exige d’avoir la couenne dure et que la rectitude politique peut, elle aussi, être agressante. On peut dire tout doucement des mots qui blessent tout autant que les envolées verbales émotives.

Il ne s’agit pas ici de faire l’apologie de l’agression verbale. Toutefois, nous devons nous demander sérieuseme­nt de quelle façon nous pouvons, en tant que société, faire face au changement des moeurs sans passer systématiq­uement par la dénonciati­on publique. Dans le cas de monsieur Sicotte, des mécanismes efficaces de gestion des plaintes ou, encore mieux, l’évaluation régulière des professeur­s du Conservato­ire auraient pu permettre de lui faire comprendre que certains agissement­s ne sont plus acceptés, quelle que soit leur motivation. De tels mécanismes auraient aussi permis de transmettr­e aux destinatai­res de ces comporteme­nts malhabiles l’intention réelle de monsieur Sicotte. Pour cela, il nous faut des dirigeants d’institutio­n suffisamme­nt expériment­és, clairvoyan­ts et crédibles pour s’interposer et désamorcer ces bombes. Sans cela, nous nous dirigerons droit vers une société aseptisée où la fougue et la passion cèdent le pas à la langue de bois. Marc-André Villard Rimouski, le 16 novembre 2017

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