Pourquoi moderniser la charte de l’Université de Montréal
La question du harcèlement occupe l’espace public depuis quelques semaines. À l’Université de Montréal, c’est un phénomène contre lequel nous avons pris de nombreuses mesures ces dernières années. La dernière en date, qui n’est pas encore en vigueur, est inscrite dans le projet de réforme de la charte de l’Université et touche le processus des plaintes déposées contre les enseignants. Il faut savoir qu’actuellement, à l’UdeM, ce sont les enseignants qui jugent les plaintes pour harcèlement contre des enseignants.
C’est entre autres motifs pour écarter de sa gouvernance des mécanismes désuets comme celui-là que l’Université de Montréal a entrepris de réformer sa charte. Ce texte, qui détaille les grands principes de gouvernance de notre établissement, n’a pas été mis à jour depuis son adoption par l’Assemblée nationale du Québec en 1967. Nous sommes la seule université à charte québécoise à ne pas avoir fait cet important travail.
Place aux diplômés
L’opération vise à moderniser ce document fondateur, en retirant un certain nombre d’anachronismes — comme la nomination de membres du Conseil par l’archevêque de Montréal — et en lui ajoutant quelques dispositions qui reflètent mieux la réalité des pratiques de gouvernance actuelles.
Mais surtout, en modifiant notre charte, nous voulons ouvrir plus grand la porte à nos diplômés. De nos jours, on demande aux universités de participer à l’évolution de notre société, dans tous les domaines. Un tel mandat ne peut se faire sans la participation active d’hommes et de femmes qui sont passés par l’université et qui sont souvent d’incontournables agents de changement sociaux.
Une réforme collégiale
Dernièrement, des groupes d’intérêt ont dénoncé, de manière parfois virulente, le projet de réforme de l’Université de Montréal. J’avoue ne pas reconnaître notre projet dans le portrait sans nuances qu’en font ces intervenants.
Une menace pour la liberté universitaire? Au contraire, le nouveau texte de notre charte affirme pour la première fois l’importance capitale de l’autonomie de l’Université par rapport à tous les pouvoirs, et il marque avec force le caractère francophone de l’une des grandes universités de la Francophonie. En aucun cas, ce projet ne touche la liberté d’expression des professeurs.
Une attaque contre les conditions de travail des professeurs ? Au contraire, nous avons voulu abroger le règlement sur la discipline justement parce qu’il relève des relations de travail et qu’il n’a donc pas sa place dans un document comme une charte.
Un déni de démocratie? Le projet de loi présenté à l’Assemblée nationale du Québec a fait l’objet d’une très large consultation de la communauté universitaire et il a reçu, en toute collégialité, l’aval des instances compétentes. Certes, la direction du Syndicat des professeurs a choisi, pour des raisons qui la regardent, de boycotter le processus, mais cela n’a pas empêché de nombreux professeurs de participer aux travaux préparatoires de modification de la charte. Et chaque fois que l’Assemblée universitaire s’est prononcée sur le projet, une majorité des 59 professeurs membres élus de cette assemblée étaient présents.
Une perte de pouvoir des professeurs? Non, le statut et la place prépondérante des professeurs au sein de nos instances sont préservés. On intègre toutefois une reconnaissance d’autres groupes au sein de la communauté universitaire, comme les chargés de cours, le personnel de soutien ou encore les diplômés. Ce que l’on donne aux uns, on ne l’enlève pas aux autres : on l’ajoute à l’Université de Montréal !
Le rôle du Conseil
Mais ce sont les propos sur une prise de contrôle de l’UdeM par des agents externes qui me heurtent le plus. D’une part, les nouvelles dispositions de la charte de l’UdeM ne changent pas fondamentalement la composition du Conseil. Les membres externes, qui composaient traditionnellement 67% du Conseil, voient même leur poids relatif réduit, à 58 %, tandis que la représentation des membres internes passe de 33 % à 42 %.
D’autre part, prêter des motifs occultes à des bénévoles, pour la plupart diplômés de l’UdeM et très attachés à leur alma mater, est irrespectueux et blessant. Je siège depuis 17 ans au Conseil de l’Université et je puis témoigner du travail accompli par la vingtaine de personnes qui en sont les membres actifs. Des personnes nommées sur la base de leurs compétences, qui apportent une expertise indispensable au bon fonctionnement de l’Université et qui représentent une diversité d’appartenances professionnelles, culturelles et sociodémographiques.
Loin d’inféoder la plus grande université du Québec à des intérêts utilitaires, le projet de l’Université entend au contraire clarifier la séparation des pouvoirs entre le Conseil et la communauté universitaire. Au premier, l’administration. Aux universitaires et à leurs instances internes, les affaires universitaires, soit les programmes d’études, l’enseignement et la recherche.
Qu’ils soient du milieu universitaire ou non, les 24 membres du Conseil ont un objectif commun: aider l’Université de Montréal à grandir. Une université qui est au service de la société et qui souhaite assurer son développement avec l’appui de sa communauté. C’est l’essence de son projet de changement de charte.