Critiques cinéma
Matthias Schoenaerts et Adèle Exarchopoulos forment un couple sulfureux dans Le fidèle
Lui, c’est Gigi. Elle, c’est Bibi. Ils viennent à peine de se rencontrer, mais déjà, c’est la folle passion. Il est gangster, elle est coureuse automobile. Non que Gigi se soit ouvert de sa réelle profession à sa mie, qui accepte, initialement, les silences et les secrets de son amant. Au coeur de l’intrigue du film Le fidèle, l’histoire de Gigi et Bibi est de celles qui ne peuvent exister qu’au cinéma.
Et du cinéma, la réalisation du Belge Michaël R. Roskam n’en manque pas.
Le fidèle est son troisième long métrage. On lui doit, pour mémoire, le fabuleux Bullhead, autre récit criminalo-sentimental recourant au motif de la belle et la bête. En éleveur bovin accro aux hormones de croissance, Matthias Schoenaerts y était une révélation.
Tourné au États-Unis, son second film, Quand vient la nuit (The Drop) a moins fait parler, mais s’avère une bonne étude de milieu campée dans le monde des bars servant de façade au blanchiment d’argent.
D’ailleurs, Roskam y utilisait le braquage comme pivot dramaturgique, concept qu’il reprend dans Le fidèle, où il retrouve sa muse, Matthias Schoenaerts.
Chimie palpable
Une fois de plus, la vedette du film De
rouille et d’os fait montre d’une présence peu commune tout en modulant une interprétation parfaitement calibrée. Étoffé, psychologiquement parlant, son Gigi est un criminel par défaut. Traumatisé et laissé à luimême, il s’est refait une cellule familiale avec les seules personnes qui lui ont témoigné de l’intérêt: des malfrats. Aussi en est-il devenu un, et un doué, en l’occurrence.
À cet égard, Roskam se révèle aussi habile à faire sourdre la tension dramatique — lors des scènes de vol à main armée — que la tension sexuelle chaque fois ou presque que les deux protagonistes sont en présence l’un de l’autre.
Il faut dire que Bibi est interprétée par Adèle Exarchopoulos, la découverte du film La vie d’Adèle, qui n’est pas en reste, côté présence. La chimie qu’elle partage avec son partenaire est palpable, et pour un temps, le film est à la hauteur de leur rencontre.
Virage mélo
Hélas, le scénario que Roskam a coécrit avec Thomas Bidegain et Noé Debré, deux collaborateurs de Jacques Audiard (sur Un prophète et Dheepan, outre De rouille et d’os), tout de même, se perd dans une seconde partie mélodramatique. Après le mélange haletant de thriller et de romance dans la première, ce virage incongru agit comme une douche froide.
La justice rattrape Gigi, qui est incarcéré, tandis que s’éveille en Bibi un désir de maternité ressemblant dans le contexte davantage à un impératif scénaristique qu’à un développement psychologique crédible ; qu’Adèle Exarchopoulos rende à peu près cohérente la personnalité à géométrie variable du personnage en dit long sur l’étendue de son talent.
Tout mal avisé soit-il, ce deuxième pan narratif bénéficie, hormis la qualité de l’interprétation, d’une réalisation inspirée. Aidé de son directeur photo habituel, Nicolas Karakatsanis, Roskam soigne chaque plan tout en définissant les univers respectifs des amoureux, lui dans la pénombre, elle dans la lumière.
Il y a là, indéniablement, une filmographie intéressante en construction, cohésive dans ses thèmes et enjeux de prédilection. Michaël R. Roskam demeure un cinéaste à suivre. À terme, on lui souhaite de développer, pour le récit, la même rigueur qu’il affiche pour la mise en scène.