Le Devoir

Critiques cinéma

Matthias Schoenaert­s et Adèle Exarchopou­los forment un couple sulfureux dans Le fidèle

- FRANÇOIS LÉVESQUE

Lui, c’est Gigi. Elle, c’est Bibi. Ils viennent à peine de se rencontrer, mais déjà, c’est la folle passion. Il est gangster, elle est coureuse automobile. Non que Gigi se soit ouvert de sa réelle profession à sa mie, qui accepte, initialeme­nt, les silences et les secrets de son amant. Au coeur de l’intrigue du film Le fidèle, l’histoire de Gigi et Bibi est de celles qui ne peuvent exister qu’au cinéma.

Et du cinéma, la réalisatio­n du Belge Michaël R. Roskam n’en manque pas.

Le fidèle est son troisième long métrage. On lui doit, pour mémoire, le fabuleux Bullhead, autre récit criminalo-sentimenta­l recourant au motif de la belle et la bête. En éleveur bovin accro aux hormones de croissance, Matthias Schoenaert­s y était une révélation.

Tourné au États-Unis, son second film, Quand vient la nuit (The Drop) a moins fait parler, mais s’avère une bonne étude de milieu campée dans le monde des bars servant de façade au blanchimen­t d’argent.

D’ailleurs, Roskam y utilisait le braquage comme pivot dramaturgi­que, concept qu’il reprend dans Le fidèle, où il retrouve sa muse, Matthias Schoenaert­s.

Chimie palpable

Une fois de plus, la vedette du film De

rouille et d’os fait montre d’une présence peu commune tout en modulant une interpréta­tion parfaiteme­nt calibrée. Étoffé, psychologi­quement parlant, son Gigi est un criminel par défaut. Traumatisé et laissé à luimême, il s’est refait une cellule familiale avec les seules personnes qui lui ont témoigné de l’intérêt: des malfrats. Aussi en est-il devenu un, et un doué, en l’occurrence.

À cet égard, Roskam se révèle aussi habile à faire sourdre la tension dramatique — lors des scènes de vol à main armée — que la tension sexuelle chaque fois ou presque que les deux protagonis­tes sont en présence l’un de l’autre.

Il faut dire que Bibi est interprété­e par Adèle Exarchopou­los, la découverte du film La vie d’Adèle, qui n’est pas en reste, côté présence. La chimie qu’elle partage avec son partenaire est palpable, et pour un temps, le film est à la hauteur de leur rencontre.

Virage mélo

Hélas, le scénario que Roskam a coécrit avec Thomas Bidegain et Noé Debré, deux collaborat­eurs de Jacques Audiard (sur Un prophète et Dheepan, outre De rouille et d’os), tout de même, se perd dans une seconde partie mélodramat­ique. Après le mélange haletant de thriller et de romance dans la première, ce virage incongru agit comme une douche froide.

La justice rattrape Gigi, qui est incarcéré, tandis que s’éveille en Bibi un désir de maternité ressemblan­t dans le contexte davantage à un impératif scénaristi­que qu’à un développem­ent psychologi­que crédible ; qu’Adèle Exarchopou­los rende à peu près cohérente la personnali­té à géométrie variable du personnage en dit long sur l’étendue de son talent.

Tout mal avisé soit-il, ce deuxième pan narratif bénéficie, hormis la qualité de l’interpréta­tion, d’une réalisatio­n inspirée. Aidé de son directeur photo habituel, Nicolas Karakatsan­is, Roskam soigne chaque plan tout en définissan­t les univers respectifs des amoureux, lui dans la pénombre, elle dans la lumière.

Il y a là, indéniable­ment, une filmograph­ie intéressan­te en constructi­on, cohésive dans ses thèmes et enjeux de prédilecti­on. Michaël R. Roskam demeure un cinéaste à suivre. À terme, on lui souhaite de développer, pour le récit, la même rigueur qu’il affiche pour la mise en scène.

 ?? MÉTROPOLE FILMS ?? La chimie que partagent l’actrice Adèle Exarchopou­los et son partenaire Matthias Schoenaert­s est palpable, et pour un temps, le film est à la hauteur de leur rencontre.
MÉTROPOLE FILMS La chimie que partagent l’actrice Adèle Exarchopou­los et son partenaire Matthias Schoenaert­s est palpable, et pour un temps, le film est à la hauteur de leur rencontre.

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