Un Carré circulaire
La force de l’expo passe par sa scénographie. Le Carré d’art contemporain, salle carrée comme son nom l’indique, semble lui aussi avoir perdu sa forme rigide et autoritaire. La teneur cyclique, voire circulaire, de ce qui est exposé en est pour quelque chose. Les cibles Meditation (2013 ou 2017) fonctionnent comme des appâts visuels, sur lesquels les yeux s’arrêtent constamment.
La présentation est exempte d’ailleurs d’un parcours narratif. Les oeuvres sur les murs et au sol ne se succèdent pas; elles donnent l’impression de surgir sur le même plan, au même moment.
Cette absence de hiérarchisation, ou de progression, est typiquement autochtone, croirons-nous. Elle incite à une expérience presque mystique avec les oeuvres — sobres et sur fond noir, en majorité. Le calme est de mise, malgré la violence abordée par certaines propositions. L’opposition entre souffrance et apaisement est au coeur de la série Oraison (2014-2017), composée d’images, d’une installation cinétique, d’une autre… olfactive, ainsi que d’éléments sonores, ceux-ci absents au Carré d’art contemporain. Dans la seule vidéo de l’expo,
Wish (2002), l’image qui est donnée à voir s’apparente à une incision verticale, un mouvement central qui casse en deux l’écran blanc. Le sujet représenté, un rituel dansant comme celui qu’évoque autrement Maria Hupfield, demeure en bonne partie illisible, comme si le référent était sur le point de disparaître de la mémoire collective. Le souhait de Nadia Myre, sans doute, est d’en garder au moins une trace.
Difficile de ne pas lire cette oeuvre dans le contexte actuel, où nos sociétés sont de plus en plus confrontées à des réalités jusque-là occultées, comme la disparition des femmes autochtones ou les abus de nature sexuelle des hommes de pouvoir.
Des stigmates, des blessures, des traces douloureuses, c’est parfois tout ce qui reste. Au regard de ce que la culture western a fabulé, et coloré pour les besoins du spectacle, c’est déjà un effort noble et louable que de déterrer ne serait-ce que des fragments en céramique pour rappeler un monde d’injustices.
La mode est à la réconciliation. Faudrait encore que les musées intègrent davantage dans leurs affaires courantes les voix comme celles de Myre et de ses consoeurs d’Elles autochtones. Le MBAM fait un premier pas. Il en faudra sans doute d’autres et autant que possible ailleurs que dans les seuls espaces souterrains. Tout ce qui reste — Scattered Remains Nadia Myre, au Musée des beaux-arts de Montréal, jusqu’au 27 mai.
Active depuis 20 ans, l’artiste a eu son lot d’honneurs et de récompenses, mais elle n’avait jamais eu droit à une telle rétrospective