Soirée boréale à Sainte-Adèle, PQ
Dans la liste des personnes sur qui je compte pour m’aiguiller vers des maisons intéressantes, les chasseurscueilleurs occupent une place de choix. Les plongeurs aussi, et toutes les autres petites mains, leurs points de vue étant toujours intéressants. Ce Recto Verso m’avait été signalé par un chasseur-cueilleur — Alain Gareau, pour le nommer — particulièrement allumé et qui documente ses récoltes avec application et beaucoup de connaissances.
Au sortir de Sainte-Adèle en allant vers Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, une très belle maison ancestrale retient l’attention. Le chef Bruno Léger y a installé ses casseroles. Elles valent le déplacement. Mme et M. Dionne s’étaient portés volontaires pour monter à Sainte-Adèle avec Marie et moi un beau soir de semaine. Je les en ai remerciés de votre part.
À table, M. Dionne est un peu grognon, ce qui fait bien mon affaire, et son épouse est une cuisinière hors pair, sorte de Jehane Benoît 2.0, sauf peut-être pour la béarnaise qu’elle continue à peaufiner.
Réservation prise par eux sur le site du restaurant, confirmation très courtoise du restaurateur qui rappela Mme Dionne. Le mercredi en question, cônes orange obligent: «Nous risquons d’être un peu en retard.» «Pas de problème. Soyez prudents, on vous attend avec joie.» Le plaisir avant le plaisir.
Accueil chaleureux et service dosé à la perfection, suggestion de vins éclairée.
La carte du chef témoigne de son intérêt pour tout ce qui vient de nos forêts. En tout, on peut compter une vingtaine de plantes aux noms évocateurs de sous-bois et de landes peu fréquentées.
Une entrée, un plat et un dessert, au choix du chef, j’aime brouter des choses inconnues et j’essaie d’être ouvert lorsque je sens que ça va bien se passer.
La fête commence avec un petit risotto, petit parce que lorsque c’est aussi bon, on voudrait en avoir une écuelle vaste, même si on risque d’être repus dès les préliminaires. Ce risotto-ci était si bon, si parfaitement cuit et préparé, plein de girolles et de chanterelles, dynamisé au myrique baumier, relevé d’une pointe de tomme de Kamouraska et juste souligné d’une tapenade de bolets aux canneberges confites, que juste à vous en parler j’en ai les larmes aux yeux. Tout était là, émotions, invitation au voyage, plénitude. Un grand plat dans une bolinette.
Les dames ont pris des trucs alambiqués et selon moi incertains, mais qui ont semblé leur convenir, poisson sur risotto d’orge à la noix de coco avec salade de crevettes nordiques aux pickles d’agrumes, et une sorte de pâte à pizza — que le chef appelle «queue de castor» — recouverte de
La carte du chef témoigne de son intérêt pour tout ce qui vient de nos forêts. En tout, on peut compter une vingtaine de plantes aux noms évocateurs de sous-bois et de landes peu fréquentées.
betteraves jaunes, d’une sauce au yogourt de brebis, de roquette sauvage et de mozzarella de bufflonne de Saint-Lin, de caramel acidulé de betteraves, le tout joliment parsemé de pétales d’épilobe.
Pour l’époux de la vice-présidente directrice nouvellement promue et pour moi-même, des assiettes plus mâles, du gibier fort en bouche et qu’on s’imagine s’être sacrifié pour nous faire regretter de vivre en ville. La viande était cuite comme on l’aime, à peine saisie et d’une tendreté exceptionnelle.
Flambée au whisky québécois, la fesse de wapiti est accompagnée d’une très judicieuse tombée de panais à la comptonie voyageuse et de quelques dés de poitrine de porc fondante soulignés d’une sauce très légère à la camerise. Une autre assiette parfaite.
Trois desserts suivent qui mériteraient que je consulte un expert pour m’éclairer sur les vertus du pouding chômeur et pouvoir vous en dire du bien; le moelleux à la courge a quand même suscité un regain d’intérêt à notre table. Quand la partie salée du repas est aussi bonne, le sucré a souvent des difficultés à soulever l’enthousiasme.