Le Devoir

Une victoire pour le simple travailleu­r

- PIERRE VALLÉE Collaborat­ion spéciale

RRQ

Serge Cadieux, secrétaire général de la FTQ, est un homme content. Il peut enfin crier victoire. En effet, le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitão, a annoncé que le Régime des rentes du Québec (RRQ) sera bonifié, et ce, selon les mêmes paramètres que le Régime de pension du Canada (RPC) bonifié, selon l’entente de Vancouver.

«C’est une campagne que nous avons lancée le 1er mai 2009, ça fait donc huit ans que l’on réclame cette bonificati­on, relate-t-il. Et aujourd’hui, c’est une excellente nouvelle pour tous les travailleu­rs du Québec. D’ailleurs, le gouverneme­nt Couillard, en acceptant de bonifier le RRQ, répond au désir des Québécois, car un sondage mené après l’entente de Vancouver révélait que 88% des Québécois étaient favorables à pareille bonificati­on. »

Si la FTQ a pris l’initiative de mener cette lutte, elle ne fut pas seule puisque l’ensemble des syndicats québécois et canadiens, accompagné­s de nombreux groupes de pression, a livré cette bataille pour convaincre le gouverneme­nt du Canada, pour le RPC, et le gouverneme­nt du Québec, pour le RRQ, que la bonificati­on des régimes publics de retraite s’imposait. «Au Québec, 60% des travailleu­rs n’ont pas de régime de retraite mis en place par leur employeur, souligne Serge Cadieux. C’est donc six travailleu­rs sur dix qui, au moment de la retraite, n’ont que le régime public sur lequel compter. »

S’ajoute à ce régime public la Pension de sécurité de la vieillesse (PSV) du gouverneme­nt fédéral, qui est une pension universell­e, payée à même ses recettes fiscales, et qui n’exige aucune cotisation de la part du citoyen. Certains travailleu­rs plus chanceux pourront compléter leur revenu de retraite avec leur épargne personnell­e, grâce notamment au REER. Mais, ici aussi, le bât blesse. Au Canada, seulement le tiers des citoyens contribue à un REER et la moyenne des sommes déposées est largement inférieure au montant permis.

«En 1966, lors de la création du RRQ et du RPC, explique Serge Cadieux, les gouverneme­nts ont fait le pari suivant. Le régime public comblerait une partie des besoins financiers à la retraite, mais ces derniers seraient largement remplis par les régimes de retraite des employeurs et les contributi­ons volontaire­s dans des véhicules d’épargne, comme le REER. Cinquante ans plus tard, force est de constater que ce pari est un échec et que la seule façon d’assurer une retraite décente aux travailleu­rs, c’est par le biais des régimes publics de retraite.»

Bonificati­on

Présenteme­nt, le RRQ, tout comme le RPC, offre un taux maximum de remplaceme­nt du revenu gagné de 25%. Cela s’applique évidemment à un travailleu­r qui a cotisé le maximum permis chaque année, et ce, pendant 40 ans. La bonificati­on proposée augmentera­it ce pourcentag­e à 33%. Par exemple, avec le RRQ actuel, un travailleu­r ayant gagné un salaire moyen de 40 000$ annuelleme­nt retire une somme maximum de 10 000$ au moment de sa retraite. Sous le nouveau RRQ, cette somme serait de 13 500 $.

Pour y arriver, le RRQ bonifié propose une augmentati­on des cotisation­s de deux points de pourcentag­e étalée sur cinq ans, soit de 2019 à 2023. «Actuelleme­nt, le taux de cotisation au RRQ est de 10,8 %, partagé également entre l’employé et l’employeur, explique Serge Cadieux, c’est donc dire qu’il serait de 12,8% en 2023, soit une hausse suffisamme­nt douce pour être absorbée par les deux parties.»

Les cotisation­s au RRQ ne s’appliquent pas à l’ensemble du revenu de travail puisque les premiers 3500$ ne sont pas concernés et qu’il existe un plafond annuel, que l’on nomme le Maximum des gains admissible­s à la pension (MGAP). La bonificati­on propose d’augmenter le MGAP de 14%. Pour l’année 2017, le MGAP s’établit à 55 300 $.

Mais puisque le MGAP sera augmenté de 14% à compter de 2024, cela introduit deux nouvelles limites, soit la limite de gains initiale et la limite de gains supplément­aire. Selon les estimation­s de RPC — celles pour le RRQ n’étant pas encore dévoilées — en 2025 la limite de gains initiale ou MGAP serait de 72 500$, et la limite de gains supplément­aire serait de 82 700$. Une cotisation de 8%, également partagée entre l’employé et l’employeur, s’appliquera­it alors sur la tranche du salaire située entre la limite de gains initiale et la limite de gains supplément­aire. Les travailleu­rs dans cette situation verraient leur retraite bonifiée.

Toujours en utilisant les chiffres du RPC, un travailleu­r ayant cotisé le maximum admissible pendant 40 ans, s’il prend sa retraite en 2017, reçoit une rente maximum de 13 110 $. Un travailleu­r qui commencera­it à cotiser en 2019, soit au début du RPC bonifié, verrait cette rente maximum, au moment de sa retraite, passer à 20 000 $ par année. En ce qui a trait au RRQ, les chiffres seront différents, mais les proportion­s seront les mêmes. De plus, il faut signaler que les chiffres mentionnés ici sont tous en dollars d’aujourd’hui. Il est évident que le travailleu­r qui prend sa retraite en 2059 ne recevrait pas 20 000 $, mais l’équivalent de ce que représente­raient 20 000 $ d’aujourd’hui en 2059.

Une mesure pour tous

Si les syndicats sont montés aux barricades pour faire bonifier les régimes publics de retraite, ce n’est pas uniquement pour en faire profiter leurs membres. «On accuse souvent les syndicats d’être corporatis­tes, souligne Serge Cadieux, mais cette bonificati­on des régimes publics de retraite va surtout bénéficier aux travailleu­rs non syndiqués, car les travailleu­rs syndiqués ont déjà négocié à l’intérieur de leurs convention­s collective­s des régimes de retraite avec leurs employeurs. »

 ??  ??
 ??  ?? ISTOCK Au moment de la retraite, six travailleu­rs sur dix n’ont que le régime public sur lequel compter, selon Serge Cadieux, secrétaire général de la FTQ.
ISTOCK Au moment de la retraite, six travailleu­rs sur dix n’ont que le régime public sur lequel compter, selon Serge Cadieux, secrétaire général de la FTQ.

Newspapers in French

Newspapers from Canada