Le Devoir

La perte d’expertise menace la fonction publique, avertit le SPGQ

Le Syndicat de profession­nelles et profession­nels du gouverneme­nt du Québec (SPGQ) continue de dénoncer la perte d’expertise interne au sein de la fonction publique. Pour le SPGQ, les politiques d’austérité nuisent grandement à l’administra­tion gouverneme

- ALICE MARIETTE Collaborat­ion spéciale

«Le gouverneme­nt québécois sera en parfaite contradict­ion avec les principes auxquels il semble vouloir adhérer tant qu’il n’aura pas concrèteme­nt valorisé son expertise à l’interne», lance Richard Perron, président du SPGQ. Il rappelle avant tout que, depuis plus de 10 ans, le désinvesti­ssement du gouverneme­nt dans son expertise interne se traduit notamment par des politiques d’austérité. De l’annonce de la «réingénier­ie» de l’État et de ses objectifs en 2003 avec la compressio­n d’effectifs, les fusions de structures, le remplaceme­nt d’un fonctionna­ire partant à la retraite sur deux, à l’annonce faite en 2014 de nouvelles compressio­ns et d’un gel des effectifs jusqu’en 2016, les exemples donnés par le SPGQ sont nombreux.

Le SPGQ déplore que les compressio­ns aient mené à une baisse de l’effectif de la fonction publique, poussant le gouverneme­nt à recourir de plus en plus à la sous-traitance. «Le cas du ministère de l’Immigratio­n, de la Diversité et de l’Inclusion [MIDI] est très éloquent. Comme il s’est délesté de ses responsabi­lités, il n’est plus capable de s’assurer que l’on accueille bien les immigrants », note M. Perron, expliquant que le MIDI a imparti les services d’accompagne­ment des immigrants à des organismes communauta­ires. Pour illustrer ces propos, il note qu’en 2015-2016, le MIDI n’a pas atteint ses cibles de francisati­on et d’emploi des personnes immigrante­s. En somme, le désinvesti­ssement touche autant le travail des membres, qui sont surchargés, que la qualité des services offerts, avec des délais de plus en plus longs pour plusieurs services.

L’expertise comme rempart

Pourtant, M. Perron rappelle que ce désinvesti­ssement dans l’expertise interne laisse un terreau fertile à la collusion et la corruption. Il raconte avoir été frappé par le discours de la nouvelle mairesse de Montréal, Valérie Plante, lors de son élection, quand elle s’est adressée aux experts de la Ville. «Elle leur a dit qu’elle voulait les traiter convenable­ment parce qu’ils sont le dernier rempart contre la collusion et la corruption, relate-t-il. C’est un discours que le gouverneme­nt du Québec devrait avoir, plutôt que de jouer la ligne dure.» Il affirme qu’au lieu de cela, le Conseil du trésor «préfère minimiser toute augmentati­on de salaire ou tout rattrapage salarial.» L’Institut de la statistiqu­e du Québec note un écart de 23 % de la rémunérati­on globale par rapport aux autres secteurs publics.

En outre, le SPGQ dénonce le fait que Québec ne semble pas prêt à suivre les recommanda­tions de la commission Charbonnea­u. D’autres organismes ont aussi souligné le recours au privé. À l’instar du Vérificate­ur général, qui a fait remarquer en juin dernier que le ministère des Transports demeurait vulnérable sur le plan de l’expertise et que sa dépendance aux entreprise­s externes était encore présente. Dans un rapport de 2013, l’Institut de recherche et d’informatio­ns socioécono­miques (IRIS) mentionne par ailleurs que la sous-traitance coûte souvent plus cher que prévu. Des sommes perdues, selon le SPGQ, qui auraient pu être investies dans des secteurs tels que l’éducation et la santé.

Un discours qui dérange

Le SPGQ a déploré cet automne de ne pas avoir été invité en commission parlementa­ire pour commenter le projet de loi n° 135. Pour M. Perron, c’est parce que leur discours met en lumière une contradict­ion fondamenta­le entre ce que le gouverneme­nt dit vouloir faire — travailler contre la collusion, la corruption et pour la bonne gestion des fonds publics — et ce qu’il fait concrèteme­nt. «C’est comme quelqu’un qui voudrait gagner une partie contre des adversaire­s, qui sont pourtant ses propres experts», renchérit-il. Alors que le Syndicat tente de négocier une convention collective depuis deux ans, M. Perron affirme avoir l’impression de «se heurter à un mur.» Il estime que le gouverneme­nt ne veut pas entendre ni comprendre qu’il y a un lien direct entre la rémunérati­on et l’expertise nécessaire pour faire face aux défis que représente­nt la collusion, la corruption et la bonne gestion des fonds publics. «Jusqu’aux prochaines élections, nous continuero­ns à inciter l’État à suivre le droit chemin, en démontrant à la population à quel point il est stupide de dévalorise­r l’expertise du gouverneme­nt», conclut le président du SPGQ.

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ISTOCK Le SPGQ déplore que les compressio­ns aient mené à une baisse de l’effectif de la fonction publique.

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