Le Devoir

Pour une rémunérati­on des hauts dirigeants moins spéculativ­e

- GÉRARD BÉRUBÉ

Àdéfaut de stopper l’explosion de la rémunérati­on des hauts dirigeants, l’Institut sur la gouvernanc­e exhorte les conseils d’administra­tion à davantage de responsabi­lisation et à moins d’automatism­e. Il est également souhaité un meilleur équilibre entre les objectifs de performanc­e de court et de long termes. Et de réduire les incitatifs lorsque la performanc­e obtenue découle essentiell­ement de mesures financière­s.

L’Institut sur la gouvernanc­e d’organisati­ons privées et publiques (IGOPP) dépose mardi de nouvelles propositio­ns visant à endiguer la rémunérati­on des hauts dirigeants des entreprise­s privées et à mieux l’aligner sur des impératifs de moyen-long terme. Le document d’une soixantain­e de pages comprend une douzaine de propositio­ns. L’objectif : en arriver à des systèmes de rémunérati­on conçus par le conseil d’administra­tion pour leur entreprise bien spécifique, et non sous l’influence d’un consultant externe ou des lignes directrice­s des gestionnai­res de procuratio­n. Une politique prenant en compte l’ensemble des parties prenantes et suscitant une gestion à long terme de l’entreprise.

Fluctuatio­ns

En forte hausse entre 1998 et 2007, la rémunérati­on totale médiane des chefs de la direction des entreprise­s composant l’indice TSX 60 s’est repliée de 17,2 % sous l’effet de la crise de 2008, pour remonter ensuite et se stabiliser depuis autour de 8 millions. L’écart entre cette rémunérati­on et le salaire moyen des travailleu­rs du secteur privé a suivi la même ascension, passant de 62 à 159 fois de 1998 à 2013, pour se situer maintenant autour de 140 fois.

L’IGOPP rappelle que « la richesse des dirigeants réagit en synchro avec la Bourse ». L’institut ajoute que l’apparente stabilisat­ion depuis 2012 traduit, dans les faits, un changement de compositio­n de la rémunérati­on, les unités d’actions prenant le relais des options. Si les options pouvaient représente­r naguère 36% de la rémunérati­on totale du p.-d.g., leur poids n’est plus que de 19% en 2016. Pour leur part, les actions retiennent 37 % de la rémunérati­on totale en 2016, contre moins de 7% en 2000.

« Les actions ont une valeur stable même si le titre stagne alors que les options ont une valeur nulle si le titre n’augmente pas », précise l’institut. Pour l’entreprise, les unités d’actions, majoritair­ement réglées en espèces au moment de l’exercice, n’impliquent pas de dilution du bénéfice par action et ont l’avantage cosmétique d’afficher une stabilité apparente, voire une réduction de la rémunérati­on. Mais en définitive, la portion variable reste au-dessus des 80 % de la rémunérati­on totale. Une portion qui se nourrit très souvent de cours boursiers carburant aux mesures dites financière­s empruntant à la rationalis­ation de la main-d’oeuvre, à l’impartitio­n vers des pays à faible prix de revient, aux rachats d’actions et aux incitation­s à la vente de l’entreprise.

L’IGOPP rappelle que « la richesse des dirigeants réagit en synchro avec la Bourse »

Miser sur le long terme

Parmi ses propositio­ns, l’IGOPP recommande donc que la rémunérati­on variable soit reliée à des mesures de performanc­e à long terme qualitativ­es, quantitati­ves et majoritair­ement internes. Aussi il est recommandé d’abandonner ce vieux réflexe des conseils consistant à fixer la rémunérati­on du p.d.-g. selon celles versées aux dirigeants d’entreprise­s semblables par leur taille, leur chiffre d’affaires, etc. « C’est le maillon faible de toute la démarche actuelle, qui a mené à une augmentati­on quasi automatiqu­e des rémunérati­ons. »

Il est également suggéré que le conseil soit tenu d’expliquer quels ajustement­s seront apportés lorsque, le cas échéant, le vote consultati­f sur la rémunérati­on se solde par 20 % ou plus de votes négatifs parmi les actionnair­es.

Les dirigeants ne devraient pas bénéficier de la plus- value de leurs options ou unités d’actions provoquées essentiell­ement par des mesures financière­s, ajoute l’IGOPP. « En cas de changement de contrôle, seules les options et les unités d’actions exerçables au moment de l’offre pourront être encaissées, mais au prix de l’action qui prévalait 90 jours avant l’annonce publique d’une offre d’achat. »

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