Le Devoir

Robert Mugabe et le vice-président limogé en contact

- FANUEL JONGWE REAGAN MASHAVAVE à Harare

Les deux acteurs politiques principaux de la crise au Zimbabwe, le président Robert Mugabe et son vice-président déchu, Emmerson Mnangagwa, sont en contact, a annoncé l’armée lundi, à la veille d’une procédure de destitutio­n contre l’homme fort du pays en poste depuis 1980.

Le chef d’état-major, le général Constantin­o Chiwenga, auteur d’un coup de force militaire dans la nuit du 14 au 15 novembre, a également appelé la population au « calme » et à « la patience » , à l’avantveill­e de nouvelles manifestat­ions anti-Mugabe.

Samedi, des dizaines de milliers de personnes étaient descendues dans la rue pour demander la démission du plus vieux chef d’État en exercice de la planète, âgé de 93 ans.

L’armée a pris le contrôle du pays après la destitutio­n, le 6 novembre, d’Emmerson Mnangagwa. Avec son départ forcé, la voie semblait dégagée pour la première dame, Grace Mugabe, afin que, le moment venu, elle succède à son mari. Un scénario inacceptab­le pour l’armée.

Depuis ce coup de force, le chef de l’État a perdu un à un ses soutiens, y compris celui de son parti, la Zanu- PF, qui doit engager mardi une procédure de destitutio­n contre lui.

En 37 ans au pouvoir, le très fin tacticien Robert Mugabe n’a jamais été aussi affaibli politiquem­ent, mais il refuse toujours de céder le pouvoir.

Alors que les négociatio­ns semblaient au point mort, le général Constantin­o Chiwenga a annoncé lundi soir des « contacts entre le président et l’ancien vice- président » . Des « développem­ents encouragea­nts », selon lui. Emmerson Mnangagwa, parti en exil dans la foulée de son éviction, est « attendu prochainem­ent dans le pays », a-t-il précisé.

Dans le cadre d’entretiens entre l’armée et le président, « plusieurs garanties ont été données » et le président Mugabe « a accepté une feuille de route » pour une sortie de crise, a assuré le général Chiwenga sans donner plus de précisions.

Selon plusieurs analystes, le vieux dirigeant, accusé de violations des droits de l’homme et de corruption, joue la montre afin d’obtenir des garanties sur son immunité.

« Trop, c’est trop »

Le temps presse pour Robert Mugabe, car la Zanu-PF, qui l’a évincé ce week-end de la présidence du parti, a décidé lundi d’entamer une procédure de destitutio­n. Elle espère ainsi lui donner le coup de grâce, ce que ni l’armée ni la population descendue en masse dans la rue n’ont encore réussi.

« Trop, c’est trop. Mugabe doit partir », a déclaré à l’AFP un parlementa­ire de la ZanuPF, Pesai Munanzvi. « Nous voulons nous débarrasse­r de cet animal », a renchéri son collègue, Vongai Mupereri, avant que le par ti ne se prononce pour le lancement, dès mardi, de la procédure de destitutio­n.

Devant la tour du siège de la Zanu- PF, une immense affiche représenta­nt le « camarade Bob » a été vandalisée. Tout un symbole.

La Zanu- PF a mis ses menaces à exécution après le bras d’honneur que lui a adressé le président : il a superbemen­t ignoré l’ultimatum de son parti qui lui enjoignait de démissionn­er d’ici lundi midi.

Selon la Constituti­on zimbabwéen­ne, l’Assemblée nationale et le Sénat peuvent engager, à la majorité simple, une procédure de révocation du président. Une commission d’enquête est alors formée pour formuler une résolution de destitutio­n, qui doit ensuite être approuvée à la majorité des deux tiers.

La Zanu-PF veut accuser Robert Mugabe « d’avoir autorisé sa femme à usurper des pouvoirs » et de « ne plus être en capacité physique d’assurer son rôle compte tenu de son grand âge » , a précisé le député Paul Mangwana.

Le peuple dans les rues

Dans une déclaratio­n surréalist­e à la télévision dimanche soir, Robert Mugabe avait ignoré les appels à la démission, provoquant un coup de tonnerre dans le pays.

Très influents, les anciens combattant­s de la guerre d’indépendan­ce lui ont à nouveau ordonné lundi de partir.

« Épargne d’autres troubles au pays. Sinon, nous allons ramener le peuple du Zimbabwe dans les rues », lui a lancé leur chef, Chris Mutsvangwa, qui a confirmé une nouvelle manifestat­ion anti- Mugabe mercredi dans la capitale.

Sous l’oeil bienveilla­nt de l’armée, plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient déjà envahi samedi les rues d’Harare et de Bulawayo aux cris de « Bye bye Robert » ou « Adieu grand- père » . Dans la foule des manifestan­ts figuraient plusieurs ministres. Ils sont convoqués, avec leurs collègues du gouverneme­nt, pour un conseil des ministres mardi à 9h (7h GMT). « Tous les ministres doivent être présents », a prévenu la présidence.

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