Âme en peine
MYTHOMANIA Texte et mise en scène : Nicolas Berzi. Une production d’Artiste Inconnu. À la Chapelle jusqu’au 25 novembre. Après Peep Show, un solo qui évoquait la pornographie sur Internet, puis Héroïne(s), un trio sur la dépendance à la drogue, Nicolas Berzi est de retour à la Chapelle avec Mythomania, un objet scénique pour le moins déroutant à propos des « mutations actuelles de nos rapports amoureux à l’ère de la rencontre et de la socialisation numérique et des nouveaux comportements mythomanes qui en découlent ».
Loin de s’être allégées, les importantes lacunes du précédent spectacle de la transdisciplinaire compagnie Artiste Inconnu sont ici décuplées. On ne s’explique toujours pas que le créateur puisse aborder un sujet à ce point vaste et complexe — l’amour au XXIe siècle ! — d’une manière aussi tristement superficielle. Dire que la dramaturgie est famélique tient de l’euphémisme, mais plus insoutenable encore est la poésie mièvre dans laquelle la représentation est noyée, sans parler des écrits mythologiques ou scientifiques qui sont tout bonnement plaqués ici et là. Fallaitil vraiment ressortir la légende éculée des âmes soeurs sépa- rées comme les moitiés d’une orange? Et en quoi cette théorie de fusion des photons éclaire-t-elle les rapports amoureux des êtres humains?
La représentation tient à vrai dire de l’épreuve, mais certainement pas de celles dont on sort grandi. Pour nourrir le supplice, il y a les notes d’un piano et quelques chants poussifs, mais surtout la musique électroacoustique de Blaise Émard et les projections vidéo de JeanFrançois Boisvenue, autant de discours d’une banalité confondante, des couches qui se superposent en vain, donnant lieu à un spectacle erratique, plombé par les redondances et manquant cruellement de rythme.
Dans pareille galère, défendant le rôle d’une femme esseulée, une âme en peine, Livia Sassoli, la muse du metteur en scène, parvient à tirer son épingle du jeu. Dans un dispositif scénographique bien moins riche et étonnant que celui d’Héroïne(s), un grand cube qui en contient un plus petit, la comédienne passe du piano à la robe de mariée, manipule les différentes surfaces de projection, prononce son texte avec autant de conviction vers la salle que vers la caméra. Malheureusement, cela ne suffit pas à sortir le spectateur de la torpeur dans laquelle l’oeuvre l’a déjà irrémédiablement plongé.