Le Devoir

Âme en peine

- CHRISTIAN SAINTPIERR­E

MYTHOMANIA Texte et mise en scène : Nicolas Berzi. Une production d’Artiste Inconnu. À la Chapelle jusqu’au 25 novembre. Après Peep Show, un solo qui évoquait la pornograph­ie sur Internet, puis Héroïne(s), un trio sur la dépendance à la drogue, Nicolas Berzi est de retour à la Chapelle avec Mythomania, un objet scénique pour le moins déroutant à propos des « mutations actuelles de nos rapports amoureux à l’ère de la rencontre et de la socialisat­ion numérique et des nouveaux comporteme­nts mythomanes qui en découlent ».

Loin de s’être allégées, les importante­s lacunes du précédent spectacle de la transdisci­plinaire compagnie Artiste Inconnu sont ici décuplées. On ne s’explique toujours pas que le créateur puisse aborder un sujet à ce point vaste et complexe — l’amour au XXIe siècle ! — d’une manière aussi tristement superficie­lle. Dire que la dramaturgi­e est famélique tient de l’euphémisme, mais plus insoutenab­le encore est la poésie mièvre dans laquelle la représenta­tion est noyée, sans parler des écrits mythologiq­ues ou scientifiq­ues qui sont tout bonnement plaqués ici et là. Fallaitil vraiment ressortir la légende éculée des âmes soeurs sépa- rées comme les moitiés d’une orange? Et en quoi cette théorie de fusion des photons éclaire-t-elle les rapports amoureux des êtres humains?

La représenta­tion tient à vrai dire de l’épreuve, mais certaineme­nt pas de celles dont on sort grandi. Pour nourrir le supplice, il y a les notes d’un piano et quelques chants poussifs, mais surtout la musique électroaco­ustique de Blaise Émard et les projection­s vidéo de JeanFranço­is Boisvenue, autant de discours d’une banalité confondant­e, des couches qui se superposen­t en vain, donnant lieu à un spectacle erratique, plombé par les redondance­s et manquant cruellemen­t de rythme.

Dans pareille galère, défendant le rôle d’une femme esseulée, une âme en peine, Livia Sassoli, la muse du metteur en scène, parvient à tirer son épingle du jeu. Dans un dispositif scénograph­ique bien moins riche et étonnant que celui d’Héroïne(s), un grand cube qui en contient un plus petit, la comédienne passe du piano à la robe de mariée, manipule les différente­s surfaces de projection, prononce son texte avec autant de conviction vers la salle que vers la caméra. Malheureus­ement, cela ne suffit pas à sortir le spectateur de la torpeur dans laquelle l’oeuvre l’a déjà irrémédiab­lement plongé.

 ?? JUSTINE LATOUR ?? Défendant le rôle d’une femme esseulée, Livia Sassoli, la muse du metteur en scène, parvient à tirer son épingle du jeu.
JUSTINE LATOUR Défendant le rôle d’une femme esseulée, Livia Sassoli, la muse du metteur en scène, parvient à tirer son épingle du jeu.

Newspapers in French

Newspapers from Canada