Le Devoir

L’éducation et la santé passent après les baisses d’impôts

Le ministre des Finances remettra 1,1 milliard dans les poches des contribuab­les

- MARCO BÉLAIR-CIRINO MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ants parlementa­ires à Québec

Les baisses d’impôts l’emportent sur un réinvestis­sement dans les deux principale­s missions de l’État — en santé et en éducation — dans la mise à jour économique et financière dévoilée mardi. À moins d’un an des élections générales, le ministre des Finances, Carlos Leitão, défend à ses adversaire­s d’y voir une manoeuvre électorali­ste.

Le gouverneme­nt libéral anticipe un surplus budgétaire de 1,7 milliard pour les cinq premiers mois de 2017-2018, mais investit moins de 125 millions supplément­aires en santé et en éducation d’ici le 31 mars prochain. En revanche, il alloue 1,1 milliard à des baisses d’impôts rétroactiv­es au 1er janvier 2017. Le gouverneme­nt Couillard injecte 19 millions de plus dans le réseau de l’éducation (12 millions) et de l’enseigneme­nt supérieur (7 millions) d’ici la fin de l’année financière.

Il se targue notamment de « favoriser les projets visant à améliorer la réussite éducative», tout particuliè­rement des «enfants handicapés ou provenant de milieux défavorisé­s». Il donne le feu vert aux directions d’écoles primaires pour procéder à l’embauche de 500 profession­nels additionne­ls — orthophoni­stes, orthopédag­ogues, etc. — à temps pour la rentrée scolaire de septembre 2018.

La Fédération des commission­s scolaires du Québec (FCSQ) se réjouit de cette «bonificati­on des investisse­ments pour la réussite éducative». Elle rappelle toutefois que «l’embauche de nouvelles ressources représente un défi dans plusieurs régions en raison du contexte économique de plein-emploi ».

Par ailleurs, la FCSQ accueille avec un grand sourire la volonté affichée par M. Leitão d’uniformise­r le taux de taxation scolaire dans une même région. « Il y aura une régionalis­ation du taux d’imposition et il sera unifié au niveau

L’État ajoute 125 millions dans ses deux principale­s missions

d’imposition le plus bas dans cette région en particulie­r, mais il y aura toujours différente­s régions », a résumé le ministre libéral en conférence de presse mardi.

105 millions de plus pour la santé

Après avoir dû limiter la croissance de leurs dépenses à 3,3% en 2016-2017, les acteurs des réseaux de la santé et des services sociaux disposeron­t de 105 millions de plus.

Ils bénéficien­t notamment de 46 millions supplément­aires pour «intensifi[er] des services en établissem­ent », ainsi que de 18 millions de plus pour renforcer les «services aux aînés» et de 17 millions additionne­ls afin de bonifier les «services en santé mentale pour les clientèles vulnérable­s ».

La «rigueur budgétaire» dont se félicite le ministre Leitão permet aussi à Québec de faire passer la première fourchette d’imposition de 16 à 15% de manière rétroactiv­e, au 1er janvier 2017. Cette baisse d’impôt s’est accompagné­e d’une mise à jour de la page d’accueil des sites Web du ministère des Finances et du Parti libéral du Québec, qui proposent une même calculette pour découvrir « votre baisse d’impôt ».

Les contribuab­les dont le salaire annuel dépasse les 42 705$ obtiennent donc une baisse d’impôts de 278 $. Une personne qui a un revenu individuel de 22 500$ se trouve épargnée de 64,50 $, tandis qu’un Québécois gagnant 25 000 $ voit ses impôts diminuer de 73$ par année.

Au total, 4,2 millions de contribuab­les peuvent profiter de ce « cadeau » inattendu, puisque la possibilit­é qu’il se concrétise avait été écartée par le ministre des Finances luimême en juin. «Nous constatons que les Québécois préfèrent avoir des services mieux financés et on ne s’engage pas à alléger davantage le fardeau fiscal», avait alors déclaré Carlos Leitão en suivant la voie tracée par son chef, Philippe Couillard, qui disait au cours du même mois que les Québécois avaient déjà reçu leurs baisses d’impôts par le biais de l’abolition de la taxe santé et du rehausseme­nt de l’exemption de base du revenu imposable.

«Honnêtemen­t, je ne me rappelle pas avoir dit cela dans ces termes-là», s’est défendu le ministre après le dépôt de sa mise à jour budgétaire. «On voulait avoir une approche équilibrée, c’est-à-dire faire trois choses en même temps: financer les services publics convenable­ment; réduire le fardeau fiscal […] et continuer de bien gérer la dette du Québec», a-t-il assuré.

Disparue, aussi, la promesse de réduire les

impôts des PME. «On considère des mesures, probableme­nt au budget qui viendra en mars», a annoncé le ministre Leitão, qui a assuré un contrôle serré des dépenses depuis l’arrivée au pouvoir du gouverneme­nt Couillard, en 20142015. En trois ans, les revenus du gouverneme­nt ont crû de 6,9 milliards, tandis que les dépenses ont connu une hausse de 2,7 milliards.

100$ par enfant

Les libéraux reprennent aussi une promesse formulée en 2012 par leur ex-chef Jean Charest, et exaucent du même coup une demande de la Coalition avenir Québec, en tête des intentions de vote.

Les parents d’enfants de 4 à 16 ans obtiennent un supplément non imposable de 100 $ par enfant «pour l’achat de fourniture­s scolaires».

Puisque la mesure est rétroactiv­e au mois de septembre 2017, les parents recevront un premier chèque en janvier 2018, puis un deuxième en juillet 2018, juste à temps pour l’élection générale prévue en octobre de la même année. «Bravo! On aurait pu l’annoncer en septembre dernier», a réagi le caquiste François Bonnardel,

avant d’ajouter que son « indice de cynisme est à 100%». À son avis, «les libéraux jouent à peu près leur dernière carte avant le budget de mars prochain» et remettent aux Québécois « ce qu’on leur a pris ».

«Philippe Couillard prend véritablem­ent les Québécois pour des idiots », a aussi laissé tomber le péquiste Nicolas Marceau. «On a assisté aujourd’hui au déclenchem­ent de la campagne électorale libérale [financée] par l’argent des Québécois, par des [coupes] importante­s dans les services», a-t-il lancé, en déplorant des investisse­ments qui ne sont « pas à la hauteur des dégâts qui ont été causés ces dernières années». «Ce qu’on apprend aujourd’hui, c’est que la récompense pour trois ans de [compressio­ns] aux services à la population, c’est 278$ de baisse d’impôt», a aussi déploré le solidaire Gabriel Nadeau-Dubois, dénonçant l’impossibil­ité de «construire au Québec des services publics qui marchent si on leur impose des cycles d’investisse­ment et de désinvesti­ssement aussi brutaux ».

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Carlos Leitão a présenté mardi sa mise à jour économique.
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