Le Devoir

Phénix n’est pas au bout de ses peines

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Le vérificate­ur général du Canada, Michael Ferguson, prédit de sombres jours à Phénix, le ser vice de paye centralisé des fonctionna­ires fédéraux. Selon lui, il faudra beaucoup plus de temps et d’argent que ce que prévoit Ottawa pour corriger les erreurs qui embourbent encore le système, plus d’un an et demi après sa mise en service.

Ottawa avait prédit qu’en centralisa­nt tous ses services de paye en un seul système, il économiser­ait 210 millions. Non seulement ces économies ne sont plus au rendezvous, mais le gouverneme­nt fédéral a prévu de débourser 540 millions pour régler les problèmes.

Or, même cette estimation n’est plus bonne, conclut le dernier rapport de M. Ferguson.

Combien faudra-t-il exactement? Le rapport ne s’aventure pas à fournir un montant, mais rappelle qu’un ministère australien qui s’était doté d’un système semblable a déboursé au bout du compte 1,2 milliard pour en corriger les errements.

En outre, Phénix n’aura pas permis comme prévu de ramener de 1200 à 460 le nombre de conseiller­s en rémunérati­on. Ils sont maintenant 550, et le vérificate­ur général note qu’il en faudra 1400 autres.

En date de juin 2017, le vérificate­ur général calcule que 150 000 fonctionna­ires étaient en attente d’une interventi­on sur leur chèque de paye, pour un total de 494 500 interventi­ons nécessaire­s. Les erreurs (montants en souffrance ou versés en trop) totalisaie­nt un demi-milliard.

Il note à ce chapitre qu’Ottawa sous-estime de 29% le nombre de demandes d’interventi­on dans ses communicat­ions publiques, car il exclut du total les demandes qui n’auront aucune incidence financière, celles qui n’exigent pas «un effort important de la part des conseiller­s en rémunérati­on» ou celles qui constituen­t un dédoubleme­nt d’autres demandes.

Le vérificate­ur général invite Services publics et Approvisio­nnement Canada à se doter d’une structure de gouvernanc­e globale pour trouver une solution holistique durable plutôt que de seulement réagir aux cas qui se présentent. Abolir Phénix n’est cependant pas la solution, selon M. Ferguson, car les mêmes problèmes se poseraient avec un autre système.

La ministre responsabl­e du dossier, Carla Qualtrough, reconnaît le problème, mais en fait porter la responsabi­lité aux conservate­urs. «Le précédent gouverneme­nt a bâclé le projet Phénix», selon Mme Qualtrough, en en « précipitan­t la planificat­ion et la mise en oeuvre ».

Les conservate­urs rejettent l’accusation. «Ce sont les libéraux qui ont décidé […] d’appuyer sur le bouton “démarrage” », a rétorqué le chef Andrew Scheer.

Les conservate­urs soutiennen­t qu’ils ont à deux reprises reporté la mise en place de Phénix justement parce que des rapports internes présageaie­nt des problèmes.

Newspapers in French

Newspapers from Canada