Le Devoir

Un homme droit

- MANON DUMAIS

ROMAN J. ISRAEL, ESQ. ★★1/2 Drame de Dan Gilroy. Avec Denzel Washington, Colin Farrell, Carmen Ejogo et Tony Plana. États-Unis, 2017, 102 minutes.

Trois ans après Le rôdeur, où Jake Gyllenhaal incarnait un aspirant journalist­e amoral, Dan Gilroy confirme qu’il n’a pas son pareil pour sortir les acteurs de leur zone de confort et les amener à se réinventer. Mal sapé, lunettes trop grandes, le geste maladroit, la démarche incertaine, la voix monotone, Denzel Washington nous fait carrément oublier que c’est bien lui qui se cache sous l’afro de Roman J. Israel, avocat idéaliste et asocial. Aussi oscarisabl­e soit-elle, l’interpréta­tion de Washington ne fait pas pour autant de ce second long métrage de Dan Gilroy un chef-d’oeuvre impérissab­le.

Ayant travaillé pendant plus de trente ans dans l’ombre d’un modeste avocat, Roman J. Israel voit son monde basculer lorsque celui-ci meurt des suites d’un arrêt cardiaque. Incapable de diriger le cabinet, Israel est repêché par une grande firme d’avocats grâce à l’ambitieux et brillant George Pierce (Colin Farrell, impeccable).

Méprisé par les uns, moqué par les autres, Israel s’intègre difficilem­ent parmi ses nouveaux collègues. Lui vient alors l’idée de changer son mode de vie plus que frugal — il n’a pas changé d’appartemen­t ni de garde-robe depuis les années 1970 et il se nourrit de tartines de beurre d’arachides. Pour ce faire, l’honnête homme de droit commet un geste répréhensi­ble. Chassez le naturel, il revient au galop, disait l’autre.

Si Le rôdeur n’était pas un film parfait, trop peu étoffé qu’il était dans sa réflexion sur les médias et sur l’info-spectacle, le spectateur y prenait un plaisir malsain à suivre le personnage dans sa descente aux enfers. Qui plus est, le thriller était fébrile et oppressant. Hélas! Ce n’est certes pas le cas de ce drame terne à pleurer, tourné sans âme ni personnali­té.

Si l’on fait fi de l’intrigue judiciaire, laquelle fait crouler lamentable­ment Roman J. Israel, Esq., Dan Gilroy offre le solide portrait d’un homme atypique. Brillammen­t incarné par le toujours excellent Denzel Washington, le personnage émeut et fascine tout à la fois. On voudrait bien le suivre dans sa vie de tous les jours; on arrive même à savourer la petite escapade qu’il se paye une journée de congé. Or, en voulant complexifi­er le récit, Gilroy n’a réussi qu’à semer la confusion et à récolter l’ennui. Dans la foulée, on perd aussi tout intérêt pour Israel. Meilleure chance la prochaine fois.

En voulant complexifi­er le récit, Gilroy n’a réussi qu’à semer la confusion et à récolter l’ennui

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SONY PICTURES L’interpréta­tion de Denzel Washington et de Colin Farrell est impeccable dans Roman J. Israel, ESQ.

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