Le Devoir

Lévitation musicale avec Vox Luminis au Festival Bach

- CHRISTOPHE HUSS

SCHÜTZ ET LA FAMILLE BACH Schütz : Musikalisc­he Exequien (Messe de funéraille­s). Motets de Johann Michael, Johann Christoph et Johann Ludwig Bach. Église Saint-Léonde-Westmount, lundi 20 novembre 2017.

L’ensemble vocal belge Vox Luminis donnait lundi son premier concert au Canada. Il faut remonter à la venue de Frieder Bernius à Lanaudière, en 2004, et du Huelgas Ensemble de Paul van Nevel à Montréal, en 2009, pour atteindre pareille ascèse chorale menant à une sorte de lévitation musicale.

Le programme reflétait le coeur du répertoire de Vox Luminis, soit le XVIIe siècle avec le chef-d’oeuvre de Schütz, Musikalisc­he Exequien suivi de motets des aïeux de Jean-Sébastien Bach: Johann Michael, Johann Christoph, Johann Ludwig. Le premier plaisir était donc intellectu­el, par la consistanc­e et la cohérence du menu.

Le second fut vocal. L’ensemble de douze chanteurs, un organiste et un violiste, mené par la basse Lionel Meunier, est parfaiteme­nt équilibré. Chaque voix est un soliste potentiel et l’alchimie des timbres est parfaite: des sopranos aux timbres affirmés mais pas blancs; des altos masculins très doux; une vraie basse profonde dans le choeur II, complétant Meunier.

On en arrive ensuite à l’incarnatio­n des textes: intense, parfaite et jamais surjouée. Meunier est clairement le moteur qui dicte le dosage de cette éloquence. Mais la particular­ité de Vox Luminis est la maîtrise de la spatialisa­tion sonore. Et, là, le fabuleux Canticum B. Simeonis, qui clôt le Musikalisc­he Exequien de Schütz, comme toutes les oeuvres de Johann Michael Bach (1648-1694), découverte majeure de la soirée, nous montrent les musiciens belges à leur meilleur, puisque ces compositio­ns sont écrites en deux strates vocales superposée­s. Les solutions acoustique­s trouvées par Vox Luminis ont, en tout endroit, été aussi parfaites qu’envoûtante­s.

Ce concert cérémonial ne serait pas aussi efficace sans les improvisat­ions de l’organiste Anthony Romaniuk faisant le liant harmonique entre les pièces et permettant aux chanteurs de prendre position pour le motet suivant.

Il est absolument effondrant de ne pas, en de telles occasions, croiser de musiciens québécois venus accueillir cet enseigneme­nt. Christophe­r Jackson, lui, était jadis venu s’imprégner de l’art de Van Nevel. Aussi, j’aimerais tirer ici un coup de chapeau à Matthias Maute, très fidèle spectateur, tant de ses collègues que d’artistes invités tels Christina Pluhar ou, lundi, Vox Luminis.

Il y avait aussi à l’église Saint-Léon Jean-Guihen Queyras, entre deux répétition­s avec le Métropolit­ain. Cette confratern­ité est tout à fait naturelle et enrichissa­nte. À évoluer en vase clos, pas étonnant que certains organismes, ici, donnent tant l’impression de faire du sur-place depuis des années.

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