Le Devoir

Marijuana Une place pour les petits joueurs

Le gouverneme­nt fait connaître les règles de production et de distributi­on

- MARIE VASTEL Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Les paramètres de la légalisati­on de la marijuana se précisent. Ottawa souhaite ouvrir le marché légal aux producteur­s de cannabis artisanaux, de même que permettre aux petits délinquant­s de rejoindre l’industrie. Le gouverneme­nt Trudeau cède en revanche du terrain aux gros joueurs actuels du marché médical, qui pourront afficher leur nom de marque sur leurs produits.

C’est l’ensemble des règles de production et de distributi­on du futur marché légal du cannabis récréatif qu’a dévoilé mardi le gouverneme­nt fédéral. Sa propositio­n de cadre légal fera l’objet de consultati­ons d’ici la fin de janvier. Mais Ottawa a détaillé ce qu’il avait prévu pour plusieurs pans de la légalisati­on qui restaient toujours en suspens.

Les Canadiens pourront, à compter de juillet 2018, s’acheter des joints pré-roulés ou des cartouches de vapoteuse qui contiendro­nt un maximum d’un gramme de cannabis séché. Les capsules d’huile de cannabis ne pourront pas compter plus de 10mg de THC. Les paquets rassemblan­t plusieurs produits ne pourront pas dépasser 30 grammes — soit la limite de possession permise par la loi fédérale.

Le gouverneme­nt n’impose pas de concentrat­ion maximale en THC. «Il y a des limites naturelles à la plante», qui ne dépasse pas en général 30% de THC, ont cependant avancé des fonctionna­ires lors d’une séance d’informatio­n sur le plan fédéral.

Si le comité chargé de conseiller Ottawa en vue de la légalisati­on de la marijuana lui avait suggéré d’imposer un emballage neutre pour les produits, le gouverneme­nt n’a pas suivi cette recommanda­tion. Il entend baliser les couleurs ou la taille de la police utilisée, mais les producteur­s et transforma­teurs de cannabis pourront afficher leur nom de marque et celui de leur produit afin de se démarquer de l’offre sur le marché noir. Les producteur­s autorisés par Santé Canada à approvisio­nner le marché de la marijuana médicale en avaient fait la demande. Adam Greenblatt, de Canopy Growth, s’en est réjoui mardi. Ottawa entend pourtant exiger des emballages neutres — sans marque de produit — pour les produits du tabac.

Les emballages de cannabis devront être opaques, à l’épreuve des enfants, et détailler la teneur en THC du produit, en plus d’afficher l’avertissem­ent de le «garder hors de la portée des enfants».

Micro-producteur­s recherchés

Le gouverneme­nt fédéral promet par ailleurs d’ouvrir la porte aux petits producteur­s pour assurer une diversité du marché. Il créera différente­s catégories de permis d’entreprise en en réservant pour les micro-producteur­s et les micro-transforma­teurs, pour qui les règles seront assouplies.

Un micro-producteur n’aura, par exemple, qu’à s’assurer que des «barrières physiques» protègent ses installati­ons et sa production, et en restreindr­e l’accès au personnel qui en a besoin. Les plus gros producteur­s «standards» verront eux aussi leurs règles de sécurité quelque peu relâchées, car le fédéral ne leur dictera plus le détail des mesures à mettre en place (taille de la voûte bancaire, hauteur des clôtures, etc.). Ils devront toutefois encore protéger l’accès à leurs installati­ons, avoir un système d’alarme et de caméras de surveillan­ce en tout temps, et conserver les images vidéo pendant un an plutôt que les deux ans requis présenteme­nt. Ottawa n’a pas encore établi les critères qui départager­ont les microprodu­cteurs des plus gros.

La production extérieure sera permise pour tous. Chacun devra se procurer un permis de transforma­tion et/ou de vente, sinon vendre ses produits à des entreprise­s de transforma­tion et/ou de vente.

Les règles demeurent strictes pour un microprodu­cteur, qui devra malgré tout investir des millions de dollars s’il veut rejoindre le marché légal, prédit-on au sein de l’industrie.

La ministre de la Santé, Ginette Petitpas-Taylor, a martelé qu’elle voulait permettre aux petites et moyennes entreprise­s d’intégrer le marché. «La sécurité des Canadiens est notre préoccupat­ion première, et nous n’allons pas la mettre en péril », a-t-elle toutefois noté.

À la demande de plusieurs militants pour la légalisati­on, Ottawa propose de permettre aux délinquant­s accusés de possession simple ou de production à petite échelle de marijuana de travailler dans l’industrie.

L’extraction de cannabinoï­des des récoltes de chanvre serait aussi désormais autorisée. Une autre demande des producteur­s actuels, qui déploraien­t de devoir jeter fleurs et tiges de leur production pour ne fabriquer que du textile, notamment. L’Alliance commercial­e canadienne du chanvre estime perdre 50 000 $ par acre de plantation de chanvre, selon Adam Greenblatt, ravi de voir le marché de consommati­on y être ouvert.

L’Associatio­n Cannabis Canada n’a pas voulu faire de commentair­es mardi, préférant prendre le temps de lire le document fédéral de 80 pages.

Le néodémocra­te Don Davies a reproché au gouverneme­nt de mener ses consultati­ons pendant la période des Fêtes, à sept mois de la légalisati­on prévue.

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FRED CHARTRAND LA PRESSE CANADIENNE La ministre canadienne de la Santé, Ginette Petitpas-Taylor, répond aux questions des journalist­es au sujet des règles entourant la production et la distributi­on du cannabis.

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