Le Devoir

Une manne électorali­ste.

L’éditorial de Robert Dutrisac.

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Le gouverneme­nt Couillard a fait un choix: plutôt que de hausser de façon significat­ive les dépenses en santé et en éducation, il consacre une bonne part des surplus récurrents qu’a dégagés le trésor public à réduire l’impôt des contribuab­les. Après l’austérité des premières années du mandat, le scénario se déploie comme du papier à musique en cette année électorale…

En juin dernier, le ministre des Finances Carlos Leitão jonglait avec un surplus, qu’il qualifiait d’imprévu, de l’ordre de 2,5 milliards. Les Québécois préfèrent avoir des services publics mieux financés, avait-il affirmé en substance à des journalist­es dans une conférence téléphoniq­ue; le gouverneme­nt ne s’engage pas à alléger davantage leur fardeau fiscal, avait-il ajouté. Aujourd’hui, son point de vue n’est manifestem­ent plus le même. Il annonce une baisse d’impôt de près de 1 milliard et le versement de 100 $ par enfant pour l’achat des fourniture­s scolaires, ce qui représente un débours annuel d’un peu plus de 100 millions.

En jouant savamment avec les chiffres, Carlos Leitão parvient même à affirmer que le gouverneme­nt Couillard respecte l’engagement électoral de 2014 qui était de consacrer la moitié des surplus amassés à des baisses d’impôt. Il y arrive en ajoutant à sa prodigalit­é de 1,1 milliard annoncée mardi des réductions déjà consenties, notamment l’abolition de la taxe santé, qui représente quelque 750 millions. Ainsi, il s’agirait d’une réduction de 2,3 milliards par an contre des surplus de 4,7 milliards dégagés en deux ans, et ce, après le versement annuel de plus de 2 milliards au Fonds des génération­s.

En fait, les surplus que ne cesse de dégager le gouverneme­nt Couillard donnent des munitions à ceux qui l’accusent d’avoir trop sabré durant les deux premières années de son mandat. Il ne faut pas oublier qu’il a freiné sévèrement la croissance des dépenses, ce qui a commandé des compressio­ns dans les grandes missions de l’État que sont la santé et l’éducation. Les surplus ne sont pas dus à une exceptionn­elle croissance des revenus de l’État, mais bien à des dépenses tenues en laisse.

En fait, la stratégie des libéraux rappelle l’histoire de cet homme qui se plaignait, la journée durant, d’avoir mal aux pieds. Et pourquoi? Parce qu’il portait des souliers trop petits, disait-il. Alors, pourquoi portait-il des souliers trop petits? Parce que c’est un tel bonheur pour lui quand, en soirée, il enlève enfin ses souliers. Après l’austérité, il est vrai que ce léger allégement fiscal fait l’effet d’un baume.

En revanche, la mise à jour ne laisse que des miettes à la santé, à l’éducation et à la famille. Le ministre Gaétan Barrette pourra disposer de 105 millions pour l’année en cours pour faire des annonces dans des centres d’hébergemen­t et de soins de longue durée (CHSLD) et des hôpitaux. Quant au réseau d’éducation et à celui des garderies, ils devront se contenter de 24 millions. C’est bien peu en regard de budgets combinés qui dépassent les 55 milliards. Mais au moins, d’une façon générale, la croissance des dépenses, de l’ordre de 4,6%, n’est plus maintenue à un niveau où il faut réduire les services. Il faudra attendre le prochain budget pour constater quelle améliorati­on l’actuel gouverneme­nt acceptera d’apporter aux services publics, notamment en santé où les hausses de rémunérati­on consenties aux médecins ont englouti des milliards qui auraient pu s’avérer fort utiles pour financer des soins à domicile, entre autres.

Au-delà de son caractère électorali­ste, la mise à jour économique contient l’amorce d’un nouveau plan pour lutter contre la pauvreté. Après avoir vu son idéal de revenu minimum garanti passer à la trappe, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais, pourra se rabattre sur ce plan qui débute modestemen­t mais qui prendra de l’ampleur d’ici deux ans. Le ministre promet d’atteindre l’objectif gouverneme­ntal de sortir 100 000 personnes de la pauvreté. Il pense notamment à bonifier l’aide sociale accordée aux personnes seules qui ont des contrainte­s à l’emploi, ce qui est souhaitabl­e.

Cette mise à jour économique de novembre 2017 ressemble trop au cadre financier d’un programme électoral. On procède à des baisses d’impôt, un ingrédient que les libéraux croient essentiel pour assurer leur réélection, sans analyser sérieuseme­nt combien le réseau de la santé, par exemple, a besoin pour offrir des services convenable­s. Le contexte électoral aidant, le gouverneme­nt Couillard s’est dispensé de faire les arbitrages qui s’imposent.

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ROBERT DUTRISAC

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