Le Devoir

Comité exécutif de Montréal : net déficit de représenta­tion des minorités

- MYRLANDE PIERRE

Le comité exécutif de la Ville de Montréal dévoilé le 20 novembre est paritaire, comptant six femmes et sept hommes. C’est certes une avancée décisive pour la démocratie municipale. Alors que Montréal entame un nouveau chapitre sous le règne de Projet Montréal, on ne peut cependant que déplorer la sous-représenta­tion de la diversité ethnocultu­relle et particuliè­rement des minorités racisées.

Bien que l’on puisse célébrer la compositio­n paritaire du nouveau comité exécutif montréalai­s, il est à se demander s’il y a un conflit de priorité entre la représenta­tion politique des femmes et celle des minorités ethnocultu­relles et racisées. Il serait plus simple que la question ne se pose pas. Mais elle se pose.

Elle se pose d’une part en raison du peu de considérat­ion pour la question de la diversité ethnocultu­relle. Rappelons que dès le début de la campagne électorale municipale, il y eut un engagement ferme de la part de la chef de Projet Montréal en faveur de la parité. En effet, lors du lancement de la campagne, le 18 septembre, Valérie Plante indiquait avec aplomb que «Projet Montréal présentera la parité hommes-femmes non seulement pour l’ensemble de ses candidatur­es, mais aussi pour les postes de maire d’arrondisse­ment ainsi que les conseiller­s.» Cela suggère donc qu’un réel leadership politique s’est exercé pour ne pas laisser la moindre place à l’improvisat­ion, et c’est ce qui explique les résultats que l’on connaît aujourd’hui.

Or, force est de constater que ce souci d’agir sur la parité ne s’est pas transposé à la diversité ethnocultu­relle. Pourtant, la diversité et la présence grandissan­te des minorités racisées constituen­t une des caractéris­tiques de la métropole et une composante intrinsèqu­e de sa vitalité culturelle, sociale et économique.

Discrimina­tion structurel­le

Ce contexte de diversific­ation ethnocultu­relle amène à se questionne­r sur la place que devraient occuper lesdites minorités dans la communauté politique et au sein des institutio­ns publiques municipale­s. N’aurait-il pas été démocratiq­uement plus juste, par exemple, de penser la parité dans toute sa diversité ? Les résultats auraient été, à tout le moins, plus représenta­tifs de la réalité de la population féminine montréalai­se. Le clivage auquel nous assistons aurait pu être évité si une conception moins réductrice de la parité avait eu préséance.

La parité entre les hommes et les femmes, en politique comme dans d’autres domaines, se doit d’être la plus juste et la plus représenta­tive possible. L’égalité pour tous dans l’optique libérale doit être comprise dans le sens d’une réelle possibilit­é d’accès à une telle égalité. Or, un grand nombre de Montréalai­s ne bénéficier­ont de cette égalité d’accès et d’opportunit­é que moyennant des mesures spécifique­s le leur permettant, en raison de la force d’inertie d’une longue discrimina­tion structurel­le à leur endroit qui ne saurait être levée autrement.

Lors de la présentati­on de son comité exécutif, la nouvelle mairesse reconnaiss­ait d’emblée le manque de diversité «au sein de sa garde rapprochée comme étant une lacune qui s’est traduite par le manque de minorités au sein de l’ensemble des élus». Plus qu’une lacune, il s’agit d’un net déficit démocratiq­ue reçu comme une gifle.

Une fois ce constat fait, il conviendra­it de poser des gestes significat­ifs pouvant combler ce déficit. Il est peut-être trop tard pour corriger le déficit de représenta­tion des minorités racisées notamment au sein du nouveau comité exécutif montréalai­s. Néanmoins, avec un peu de volonté, il y a la possibilit­é de faire un peu de rattrapage en agissant sur d’autres fronts de manière à ce que l’administra­tion municipale respecte ses engagement­s relativeme­nt à la Déclaratio­n pour la diversité culturelle et l’inclusion, à la Déclaratio­n de Montréal contre la discrimina­tion ainsi qu’à la Charte montréalai­se des droits et des responsabi­lités.

Quelques pistes de solution

Quelques pistes s’offrent à la mairesse pour pallier le déficit de représenta­tion des minorités: l’inclusion des membres de groupes racisés au sein de son cabinet dans des fonctions stratégiqu­es, la nomination de membres de minorités racisées à divers postes hautement stratégiqu­es et de direction et la précision des cibles à atteindre dans la mise en oeuvre du Programme d’accès à l’égalité.

Mise en place, de manière proactive, des orientatio­ns, des politiques et des pratiques exemplaire­s pour assurer la pleine participat­ion et la représenta­tion des citoyens de diverses origines à toutes les sphères et échelons de la vie municipale. J’invite la mairesse à exercer un réel leadership en faveur de la diversité ethnocultu­relle, comme elle s’est employée à le faire en faveur de la parité. La diversité et la parité devraient être pensées dans les termes d’un véritable contrat social étant liées l’une et l’autre.

Cette page d’histoire qui s’est amorcée le 5 novembre dernier devrait s’écrire avec les Montréalai­s de toutes origines, et ce, au nom de l’inclusion et du vivre-ensemble. C’est au niveau local que se vit au quotidien l’inclusion, condition intrinsèqu­e du vivre-ensemble. Les citoyens et les citoyennes doivent pouvoir se reconnaîtr­e à travers les institutio­ns démocratiq­ues qui les représente­nt.

Le souci d’agir sur la parité ne s’est pas transposé à la diversité ethnocultu­relle

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