Bonn vue de Delhi
Le hasard m’a amené à séjourner à Delhi au moment où se déroulait la conférence des Nations unies sur le climat à Bonn. Comme d’autres personnes du groupe, une petite toux m’incommodait depuis plusieurs jours, ce qui pouvait être relié à la pollution intense qui sévissait depuis un bout de temps dans le nord de l’Inde. Personne n’était donc surpris d’apprendre la fermeture des écoles. En Inde, la pollution tue plus que partout ailleurs sur la planète.
Cette pollution régionale du nord de l’Inde, qui tend à empirer d’année en année, est causée par plusieurs facteurs physiques, naturels et comportementaux. Mais la consommation du charbon pèse beaucoup dans la balance. Quelques jours auparavant, un des quotidiens indiens titrait que l’utilisation accrue du charbon dérangeait, pour une autre raison, le transport par voie fluviale. Le train ne suffisait plus. Or, en Inde, les cours d’eau et les fleuves sont sacrés. On avait également appris que plusieurs régions plus arides devaient réduire le nombre de récoltes par an à cause du stress hydrique au niveau des nappes phréatiques.
L’Inde tente de régler son problème de pollution. Le programme national pour favoriser des énergies renouvelables est ambitieux. Dans les grandes villes, les tuk-tuks électriques sont très visibles. Delhi a déjà les assises pour devenir une ville verte si on se base sur la quantité de parcs hérités du régime britannique d’avant 1948. Mais le smog intense est régional. L’utilisation accrue du charbon est problématique, non seulement pour le pays, mais pour le monde entier.
Actuellement, l’Inde est le deuxième consommateur de charbon au monde (11%), après la Chine (50%) et devant les États-Unis (10 %). D’ici 20 ans, sa consommation devrait doubler. Celle des États-Unis pourrait diminuer par un facteur 2/3, malgré Donald Trump! En Chine, on assiste déjà à un point d’inflexion qui annonce une diminution à moyen terme des centrales thermiques polluantes au charbon. Résultat, pour la période 2015-2040, l’augmentation mondiale des émissions de CO2 provenant de la combustion du charbon proviendra principalement de l’Inde (24% des émissions en 2040). Cette situation donne à réfléchir aux stratèges de la lutte contre le réchauffement climatique.
Bilan de la COP23
La conférence de Bonn sur les changements climatiques s’est terminée sans tambour ni trompette. La COP23 ne passera pas à l’histoire pour ses propositions audacieuses afin d’établir un plan de match mondial pour la réduction des gaz à effet de serre. Comme d’habitude, la question qui ressort est: par quel bout commencer ?
Fait rarissime, le Canada a visé juste. Il faut saluer l’initiative de la ministre fédérale de l’Environnement, Catherine McKenna, et de son homologue britannique, Claire Perry. Elles proposent d’établir une alliance mondiale contre le charbon. Déjà, les trois plus grands utilisateurs de charbon ont signifié qu’ils n’embarqueraient pas. Une alliance qui dénonce l’utilisation du charbon est bien jolie sur papier. Bravo pour la création de ce club privé! Mais comment influer sur les vraies affaires?
Le charbon est responsable de plus de 40% des émissions mondiales de dioxyde de carbone. Le bilan sera semblable en 2040, principalement à cause de l’augmentation de la consommation de ce combustible en Inde. Voilà un élément de réponse. Si un sage pouvait agir en faveur du climat sans considérations politico-économiques nationales, la première mesure qu’il mettrait en pratique serait évidente. Il aiderait l’Inde à rendre plus efficace son parc de production d’électricité. Il ferait ainsi d’une pierre deux coups: le réchauffement climatique serait atténué et la mortalité dans les villes indiennes serait réduite. Être membres du club anti-charbon, n’est-ce pas une belle oeuvre humanitaire ?