Le Devoir

Des maisons cossues éveillent les soupçons de Revenu Canada

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Les châtelains urbains se retrouvent sous la loupe du fisc. Pour la première fois de son histoire, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a décidé de cibler non pas des contribuab­les ou des comporteme­nts, mais des emplacemen­ts géographiq­ues comme critère de déclenchem­ent d’une enquête. Et ces emplacemen­ts géographiq­ues seront ceux où se dressent les maisons les plus cossues du pays.

Pour son «Projet Code postal», l’ARC a ainsi choisi un «quartier fortuné» dans chacune des cinq régions du pays: la côte ouest, les Prairies, l’Ontario, le Québec et les provinces atlantique­s. Les enquêteurs fiscaux vérifieron­t la valeur de chacune des maisons de ces quartiers et la compareron­t aux revenus déclarés par ses propriétai­res.

Projet Code postal

Une maison évaluée à trois millions de dollars détenue par une personne ayant déclaré des revenus annuels de 50 000 $ allumera un voyant rouge, explique-t-on en coulisses.

«Le Projet Code postal démontre que l’ARC utilise diverses sources de renseignem­ent pour identifier les contribuab­les qui pourraient tenter de cacher des revenus et des avoirs afin d’éviter de payer les impôts dus», écrit la note de renseignem­ent fournie par l’Agence.

Cette note précise par ailleurs que l’Agence mène déjà des audits «de mode de vie», c’est-à-dire «lorsque le mode de vie d’un individu ou ses avoirs ne sont pas représenta­tifs de ses revenus déclarés».

Contrer l’évasion fiscale

L’ARC refuse de divulguer l’emplacemen­t exact de ses vérificati­ons géographiq­ues. Tout au plus sait-on que, pour les choisir, elle a utilisé des informatio­ns internes, des informatio­ns provenant de tiers ainsi que des données publiques qui «constituen­t des indicateur­s de richesse ».

Seule l’enquête dans l’enclave ontarienne a débuté. Elle vise 1150 contribuab­les. Jusqu’à ce jour, l’ARC a envoyé une lettre à 33 d’entre eux pour leur demander « un supplément de renseignem­ents», explique le porte-parole de l’Agence, Patrick Samson.

L’enquête dans les quatre autres quartiers devrait débuter sous peu ou après le Nouvel An.

«Ça fait partie des moyens qu’on utilise pour contrer l’évasion fiscale », a expliqué la ministre du Revenu, Diane Lebouthill­ier, qui s’est bien défendue de lancer ainsi une «chasse aux riches».

«Pas du tout. Notre politique est très claire: chacun doit payer sa juste part.»

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