Le Devoir

Québec prié de mieux s’occuper de la fiscalité du commerce électroniq­ue

Les revenus perdus en raison de la non-perception des taxes se chiffrent dans les centaines de millions

- FRANÇOIS DESJARDINS

Malgré la croissance fulgurante du commerce en ligne, qui a mis en avant hier son traditionn­el Cyberlundi, il n’existe pas d’évaluation définitive et précise des sommes qui échappent au fisc. Mais l’experte Marwah Rizqy, qui milite pour la perception des taxes par les géants étrangers, affirme que le Québec a raté «plusieurs occasions» de légiférer en la matière.

Plusieurs pays de l’OCDE ont déjà imposé des mesures pour forcer les géants à prélever les taxes sur les transactio­ns, et les entreprise­s se conforment sans problème toutes aux règles qui leur sont imposées, a dit la professeur­e de fiscalité à l’Université de Sherbrooke.

«La solution est simple, mais ça prend de la volonté politique», a-t-elle dit en entrevue. «L’écart se creuse entre les entreprise­s du Québec et les entreprise­s étrangères, que je pourrais même qualifier d’américaine­s, car pour le Cyberlundi, 50 % des ventes se font par l’entremise d’Amazon. »

Québec perdrait chaque année environ 270 millions en raison de la non-perception de la taxe de vente sur les biens et services en ligne, laisse entendre le plan d’action en matière d’équité fiscale publié il y a quelques semaines. Au cours des ans, plusieurs autres estimation­s ont été avancées.

Alors que la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise estimait à 165 millions les pertes fiscales liées à des transactio­ns effectuées par des Québécois hors du Canada, un autre chiffre, 300 millions, aurait déjà été avancé par Revenu Québec. «Il ne nous semble pas excessif de penser que quelque 200 millions puissent être perdus chaque année en taxes sur les ventes en ligne», a écrit en août l’Institut du Québec en rappelant « l’absence de consensus» à ce sujet.

Selon Mme Rizqy, qui a contribué il y a deux ans aux travaux de la Commission sur la fiscalité — dirigée par son collègue Luc Godbout — , le gouverneme­nt du Québec n’avait pas été en mesure de fournir des chiffres à ce moment-là. «On leur a demandé. Ils étaient dans l’incapacité de pouvoir nous chiffrer quoi que ce soit. Ma question à l’époque, c’était “est-ce que cette incapacité vient du fait que le chiffre serait trop grand, et donc honteux ?”»

Parmi les pays qui ont mis en oeuvre des mesures visant à récolter les taxes de vente figurent ceux de l’Union européenne, le Japon, la Corée du Sud, la Norvège et la Suisse.

Une taxe québécoise sur Netflix pourrait à elle seule représente­r des revenus fiscaux de 12 millions, a écrit Mme Rizqy cet été. Et il ne faut pas seulement penser à la consommati­on, dit-elle, mais au volet des services: comptabili­té, architectu­re, intermédia­ires d’hébergemen­t, comme Airbnb, etc.

Projet de loi

Par ailleurs, Québec solidaire (QS) a de nouveau évoqué lundi son projet de loi visant à imposer taxes et impôts aux commerçant­s en ligne pour protéger les commerces locaux.

Dans un magasin de jeux de société de la rue Saint-Denis à Montréal, le député de QS, Amir Khadir, a rappelé que le projet de loi, déposé il y a environ trois semaines, vise à faire en sorte que les géants basés à l’étranger paient des impôts et la taxe de vente du Québec comme

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